Décidément, on aura plus parlé de polémiques que du jeu lui-même et ce jusqu'à sa sortie, avant que les zinfluenceurs et autres sites clicaputes ne se tournent vers une autre cible, celle-ci ayant fini d'être essorée. Un incendie en règle que Bioware n'a absolument pas éteint, trop occupés qu'ils étaient à recoudre précipitamment leur 4ème opus de Dragon Age, après deux bons gros échecs qu'ont été Anthem et Mass Effect Andromeda.
Rebooté plusieurs fois, renommé en catastrophe à 6 mois de son lancement, Veilguard a été cloué au pilori comme l'incarnation de "tout ce qui ne va pas dans les AAA, ma bonne dame, le vokisme méchant, pas de politique dans mes jeux vidéos, qui n'en ont jamais contenu, bien sûr" et autres arguments douteux émis par des gens en mal de truc à taper qui n'y avaient même pas joué ni allumé un seul dragon age tout court.
Alors qu'on le sait tous : pour tirer sur quelque chose, faut commencer par avoir des balles. Ce qui tombe bien, après 50h de jeu, j'ai une cartouchière pleine.
Comme d'habitude, si critique trop longue les + et les - en fin de critique.
Cliffhanger millénaire
Un truc qui est frappant dans les critiques émises sur Veilguard, c'est que le jeu est traité comme un "nouvel opus". Sauf que non : le jeu est une suite. Son prédécesseur avait laissé le joueur sur un cliffhanger, une promesse de gros réglage de compte bien sec et nerveux entre l'Inquisiteur - héros du jeu précédent - et Solas, nouvel antagoniste aux projets de restructuration de réalité fort peu humaniste. Un coup d'éclat laissé en suspend plus de dix ans, auquel donc Veilguard était supposé apporter une conclusion.
Parce ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il n'existe pas de "jeux" bioware mais des "fresques" - ce n'est pas pour rien que Bioware a proposé une fonctionnalité de "tapisserie" en ligne résumant les choix des trois premiers jeux de la série. Chaque jeu se répond, s'influence, comme le faisait Mass effect et penser Veilguard comme une entité à part c'est er à côté du fonctionnement même de Dragon Age.
Sauf qu'apparemment Bioware, ça, s'en fout. Les choix fait dans les trois précédents jeux partent à la poubelle et n'auront aucune influence sur les évènements de Veilguard. Tout ce qui avait été laissé en suspens dans Inquisition est oblitéré, tout ce que le joueur avait pu construire par ses choix dans les deux autres jeux n'a plus aucune répercussion. Je pourrais sincèrement arrêter la critique là : Bioware a tué un principe essentiel de sa saga, principe qu'il avait déjà sérieusement amoché avec la fin de Mass effect 3, écrite en vitesse, qui rendait tous les choix nuls et non avenus. Ça ne leur a visiblement pas servi de leçon.
L'inclusion des personnages des jeux précédents est pourtant là, sous la forme de caméo qui puent la démotivation à des kilomètres, réduisant cette mécanique de fresque à du fanservice bas du front, limite insultant. Rien que pour ça, Veilguard mérite franchement peu qu'on y joue. Et si l'argument "ha ben oui mais c'est compliqué de coudre ensemble 4 jeux" vous effleure l'esprit...
Oui. C'est compliqué.
Ça l'est d'autant plus quand on vire les scénaristes dont le boulot était précisément de coudre ensemble tous ces éléments.
Disney Age
Sans revenir sur la direction artistique - elle est ce qu'elle est - le jeu globalement aseptise tout son univers. On a les très gentils, les très méchants, sans aucune des finesses d'écriture des trois précédents jeux, qui mettaient en place un univers avec des problème en résonance à ceux du nôtre, parlant d'insécurités diverses, de doutes, d'effondrements, de rancœurs entre cultures, de és fantasmés engendrant de la violence et autres subtilités servant clairement de miroir aux remous dont sont capables les sociétés, tout ça emballé dans un skin de Dark Fantasy aux relents de vieille pierre et de magie interdite. Ici, le joueur est confronté à trois factions d'ennemis interchangeables qui sont méchantes parce que. Le lore est grossièrement remodelé et simplifié - quand il n'est pas carrément contredit- les antagonistes derrière tout ça brillent par la totale absence de dramaturgie dans leur écriture comme dans leurs apparitions, le jeu échouant totalement à rendre prégnant ses enjeux ou à instaurer un sentiment d'urgence ou de danger. En réalité, on aura à s'occuper d'eux qu'à la toute fin, l'essentiel de nos missions consistant à empêcher les sous fifres de tout ce petit monde d'emmerder les civils, ce qu'on pourrait résumer à traverser des donjons couloirs, taper des trucs, couloir, taper, couloir, taper, boss, bravo, repeat. Si vous n'aviez pas aimé le côté très bordélique des maps de Dragon Age inquisition, soyez heureux : ici, vous aurez un joli point lumineux à suivre pour savoir où est le prochain truc à taper.
Mais bon : Dragon Age n'a jamais spécialement brillé pour son level design - et pour cesser un peu de tirer, il faut reconnaître qu'il n'est ici pas mauvais, Bioware ayant réussi à rendre ses couloirs un peu plus labyrinthiques et complexes.
Le problème c'est que tout ça n'est absolument pas organique. On visite plusieurs lieux variés aux ambiances différentes, dans divers coins de Thédas mais tout semble empilé, sans cohérence, comme des bouts de map conçues par des gens qui n'ont apparemment pas échangé entre eux. Le monde n'a pas de cohérence, il a juste une zone ville, une zone ville de nuit, une zone plage, une zone glace, une zone maudite... on se croirait davantage dans un jeu de plate-forme qu'un RPG. Pas surprenant quand on sait combien le développement a été chaotique, mais particulièrement criant quand on joue.
Alors oui. C'est joli.
Mais on sentait bien plus Thédas vivante, réelle, dans les graphismes hideux de Dragon Age origin ou même dans les maps trop grandes et foutraques d'Inquisition.
Ici, ça ne sent que des idées, mises bout à bout sans aucun liant.
Rook, cette endive
Après avoir sabré le concept de conséquence entre les jeux, Bioware s'est apparemment assuré de faire la même chose au sein de Veilguard. Vos choix n'auront ici aucune conséquence ou presque. Grosso modo, vous aurez deux ou trois choix décisifs à faire de tout le jeux et un seul impactera réellement la fin que vous aurez. En schématisant, selon le nombre de quêtes secondaires effectuées - parfait pour rallonger artificiellement la partie - et le seul et unique choix important fait aux dernières minutes de votre partie, vous aurez une fin vaguement différente. Vous pouvez oublier pour le reste.
Concernant les dialogues, ils sont au choix plat ou navrant, au point qu'on peut se demander si tout ça n'a pas été complété à l'IA après un nième reboot et le départ des scénaristes. Votre avatar, Rook, a plus des allures de manager pratiquant la communication non violente dans une startup que de chef charismatique tentant de souder son équipe pour dessouder celle des dieux d'en face. C'est à peine si vous pourrez être sarcastique. Quand on sait les horreurs qu'on pouvait balancer à la gueule des PNJ au cours des précédents jeux... Et une fois de plus le jeu s'aseptise, balançant aux orties le concept pourtant basique qui est que pour être réellement bon, il faut avoir la possibilité d'être une ordure. Toute cette bienveillance, en plus mal écrite, a des vieux relents hypocrites.
Tout aussi hypocrite d'ailleurs que l'est l'"inclusivité" du jeu. Dragon Age a toujours eu des personnages LGBT, qui étaient avant d'être gay ou transs des personnages bien écrits, attachants, capables de fragilité sans en devenir les figures unidimensionnelles et pleurnichardes de ce veilguard, desservies une fois de plus par des dialogues fades. Le jeu appuie en plus lourdement sur le fait que le joueur DOIT les aider, au lieu de lui en donner envie. Autant dire qu'on préférera largement aller gratouiller le griffon - oui y'a un truc mignon à gratouiller - que d'écouter chougner ces parodies d'ados en crise aussi inables qu'inintéressants. Et concernant Taash, le personnage non binaire qui a concentré toute la haine du net, c'est clairement le pinacle de cette mauvaise écriture, cliché de l'ado en rébellion contre sa mère, associant ses questions pourtant intéressantes sur l'identité à une crise de la puberté. On a rarement vu un tel but marqué contre son propre camp.
Veilguard n'est pas woke : il est mal écrit, sans talent, et démago.
Ah ben si. Du coup c'est une bonne définition du wokisme. Autant pour moi.
Mais il y a...
Après tout ça, on peut se dire que Veilguard n'a clairement rien à offrir et qu'on peut er son chemin.
La vérité c'est que le jeu a une qualité.
Il est plaisant à jouer.
Comme dit, les graphismes sont très jolis - et si on accepte l'idée qu'on est dans une sorte de version cartoon on finit par tolérer la direction artistique (ou par se résigner). Bioware a clairement fait cracher ce qu'ils pouvaient au moteur Frostbite, les personnages sont expressifs, bien modélisés, les animations dynamiques, certains plans de décors ont vraiment beaucoup de gueule et proposent des environnements impressionnants, cité elfique en ruine, prison sous marine, cryptes millénaires... on évolue avec plaisir au milieu des environnements.
Ayant enfin adopté de vraies mécaniques d'action RPG, Veilguard propose clairement les meilleurs combats de la série, qui a toujours pêché par son incapacité à trancher entre tactical et action, proposant un système bâtard pas franchement très satisfaisant, rendant les affrontements poussifs. Ici, Rook répond bien, on dispose de beaucoup de coups et d'un arbre de compétences alléchant, varié, permettant de personnaliser à volonté sa tactique de combat puisqu'il peut à tout moment être recommencé de zéro si on sent qu'on a pas pris la bonne direction.
L'IA des compagnons est également plutôt correcte - et heureusement puisqu'on ne peut quasiment pas les contrôler et qu'au final, on se bat seul, avec deux alliés servant principalement de soutien plutôt que de réels combattants actifs. Cela casse un peu plus le lien affectif qu'on pourrait avoir avec eux mais de toute façon, ça n'aurait pas changé grand chose.
Comme dit, le level design est plutôt malin dans plusieurs zones, obligeant le joueur a fouiller et trouver des issues, des mécanismes et autres chemins détournés pour atteindre certaines zones. On est pas dans tomb raider non plus mais l'usage de la plate forme a enfin du sens (c'est toi que je regarde, Inquisition).
La musique de Hans Zimmer n'arrive pas à la cheville des compositions d'Inon Zur ou de Trevor Morriss - un comble - mais comme même en petite forme, le monsieur sait bien rythmer l'action, elle fait totalement le taf.
Et malgré le critiques émises sur l'écriture, le jeu a encore quelques moments qui fonctionnent réellement, notamment tout ce qui tourne autour du personnage de Solas, quelques compagnons arrivent, malgré les dialogues, à un peu émerger du lot et à proposer quelques scènes réussies. On suppose que les scénaristes avaient laissé des post it derrière eux.
Globalement... on s'amuse. On ne e pas un horrible moment. C'est fun à jouer. C'est réellement le gros point fort de Veilguard et on peut supposer que c'était l'objectif de Bioware.
C'est triste à crever comme ambition, mais au moins c'est réussi.
En conclusion
J'aurais préféré une catastrophe. Réellement. J'aurais voulu pouvoir défoncer un jeu mauvais, mal foutu de A à Z, malhonnête dans ses intentions, putassier dans son inclusion des éléments LGBT. Après tout c'est comme ça qu'il a été incendié sur le net.
On voit les énormes coutures, les traces du reboot et on peut même deviner au travers des instants qui fonctionnent, un autre jeu, probablement jeté à la poubelle pour filer un action RPG consensuel qui pourrait se vendre à un public "élargi".
Veilguard n'est ni une catastrophe ni un pamphlet militant. Pour ça il aurait fallu des intentions et du talent.
Et le jeu, plat, recousu, vidé de sa substance, privé des gens qui l'avaient amorcé après Inquisition, n'a ni l'un ni l'autre. Beaucoup de bruit pour rien.
Rien. Ou pas Grand chose.
C'est je pense la meilleure définition de ce qu'a fait Bioware ici.
Les +
+ Globalement très joli graphiquement
+ Personnages expressifs, Bioware sait enfin utiliser son moteur
+ Combats dynamiques, une première dans un DA
+ Quelques très bons ages, intenses, qui fonctionnent bien
Les -
- Un scénario qu'on sent réécrit, morcelé, plein de trous qui rend l'exécution de ses idées foireuse
- Le lore pas respecté, grossièrement simplifié
- Des lieux qui manquent de vie malgré les PNJ
- Des dialogues navrants
- Des compagnons insipides
- Aucun respect des précédents jeux
- Illusion de choix