GreedFall
6.3
GreedFall

Jeu de Focus Entertainment (2019PC)

Œuvre nihiliste

Il avait tout pour plaire et son univers unique laissait penser qu'il pouvait s'agir d'un grand jeu, tutoyant de près les triples A sur l'aspect réalisation et ambitieux sur son scénario mais que nenni. La déception est palpable d’autant plus pour un jeu français. GreedFall débute pourtant bien en offrant au joueur une réalisation technique plutôt qualitative. Il se démarque surtout grâce à une direction artistique unique, un savant mélange entre époque XVIème - XVIIème et prenant pour base historique la colonisation du nouveau monde revisitée avec du fantastique. Les environnements extérieurs dépeignent une nature sauvage comme en Amérique du Nord sur fond d'automne, de filtres sépia qui donnent un charme certain à ces paysages. Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié les choix esthétiques même si l’on peut regretter le désastre du design des différents intérieurs (palais, maisons, huttes, tavernes, casernes etc.). Je ne sais pas ce que les développeurs ont voulu faire en mettant le paquet sur les environnements externes et en bâclant à ce point les intérieurs. Ils sont tous copiés collés, sans âme et tristement vides.

Côté maniabilité, on est plutôt bon même si l’on observe rapidement une redondance dans l’exécution des combats. Comme vous pouvez le constater sur les visuels du jeu, GreedFall est un jeu d’action aventure en vue à la troisième personne. Vous disposez d’une arme principale et d’une arme secondaire ainsi qu’une arme à distance, un fusil à mousquet par exemple. Différents coups sont disponibles, l’objectif est simple : faire baisser l’armure des adversaires avant d’attaquer leurs points de vie. Il faut donc gérer son endurance comme dans un jeu d’action classique et déboîter le caisson des ennemis. Une esquive-roulade est possible, vous pouvez également verrouiller une cible et vous déplacer autour, parer les coups, lancer des sorts, vous soigner via des items ou des sorts, renforcer vos différents statuts, mettre pause en plein combat pour planifier vos futures actions comme dans un RPG tactique etc. Vos compagnons feront également la même chose. Les combats s’apparentent souvent à une mêlée générale, ce qui n’est pas pour me déplaire. L’avantage non négligeable de vos alliés est qu’ils attireront sur eux les ennemis si vous parvenez à leur refiler l’aggro.

Sur certains aspects, le titre de Spiders m’a rappelé la saga Assassin’s Creed notamment le 3 et Black Flag (l’époque et le contexte sûrement, les costumes aussi) et un peu Mass Effect car nous sommes en permanence suivis par deux acolytes. Ces derniers, en plus de se battre à vos côtés, ont chacun des intérêts, des buts et nous proposent des quêtes secondaires importantes influents sur nos relations avec les différentes tribus et autres guildes. Par notre statut d’ambassadeur notre personnage, De Sardet, aura pour objectif de trouver des solutions pacifiques dans les différentes colonies suites à de nombreuses tensions raciales (autochtones et indigènes), politiques et religieuses entre toutes les factions susceptibles de vivre sur les territoires du nouveau monde. Mais aussi de trouver le remède à une épidémie mortelle menaçant de nombreux colons, en particulier sa mère dont on voit l’état de santé précaire dès l’introduction. L’intrigue se déroule dans un lieu imaginaire, Teer Fradae, mais qui rappelle fortement les Etats-Unis ou le Canada du XVIème siècle quand les premiers européens s’installèrent là-bas. On se déplace donc dans un monde semi-ouvert constitué de plusieurs zones d’exploration restreinte correspondant aux différentes régions et villes du continent. Entre chacune d’entre elles, des temps de chargement relativement rapides dissimulés en campement où votre troupe se retrouve autour d’un feu, suivi par un marchand dans sa cariole. L’architecture du jeu est particulière, on sent que les développeurs ont longtemps hésité mais faute de moyen ils n’ont pas pu assumer un jeu totalement en monde ouvert. Pour ma part, je préfère désormais les titres plus dirigistes. Je n’ai plus le temps pour explorer chaque mètre carré d’un monde ouvert de 100 km sur 100.

Comme beaucoup de RPG désormais, vous aurez la possibilité de ramasser un grand nombre d’objets sur votre chemin en fouillant le décor. Malheureusement cet aspect est loupé selon moi car la plupart des items collectés sont inintéressants, beaucoup de déchets donc, sans parler du fait que les « loots » reviennent en permanence dans les lieux explorés. Ce que vous ramassez fini par revenir à l’infini. En termes de sentiment de non progression dans un jeu d’aventure, on peut très difficilement faire pire selon moi. Enfin cela en dit long sur l’équilibrage économique du jeu… Les équipements sont classés par rareté mais comme je le disais plus haut, il y a très peu de variété et beaucoup de déchets, on garde souvent le même équipement pendant des heures avant d’en changer. Vous aurez la possibilité d’améliorer vos équipements et d’y apposer des augmentations ives dans des encoches, ces augmentations sont à trouver pendant l’exploration et sont aussi classées par rareté ce qui joue bien évidemment sur leur puissance. Côté arbre de talents, franchement, c’est « voyage au bout de l’ennui ». Jouer 20h pour espérer mettre un troisième point dans la spécialisation « ouverture de coffre de niveau 3 ». L’arbre de talents est raté. Divisé en trois parties, le joueur a du mal à comprendre la logique de répartition des points, il n’offre très peu voire aucun sentiment de progression. On met des points pour augmenter ses principales caractéristiques selon sa classe, on espère développer de nouvelles compétences mais c’est rachitique, enfin les points de talents sont trop rares, il faut attendre des heures de jeu pour espérer pouvoir faire un peu d’alchimie ou ouvrir des coffres secrets. Décevant.

Mais là où GreedFall est une vraie catastrophe c’est sur le design de ces quêtes et sur la présentation du monde qu’il développe au cours de l’aventure. Autant vous dire tout de suite, si vous n’appréciez pas les quêtes Fedex, GreedFall n’est pas fait pour vous. Un nombre incalculable de quêtes consiste simplement à faire des allers-retours entre divers PNJ pour écouter ce qu’ils ont à dire, puis d’aller chercher un objet ou tuer un truc dans les bois avant de revenir leur donner la preuve du succès de la mission. C’est la première fois que j’ai le sentiment d’être une balle de flipper et d’être envoyé dans tous les coins de la carte pour simplement discuter avec des PNJ. C’est le niveau 0 de l’amusement. Le gameplay est tellement répétitif qu’ils ont cherché à diversifier les quêtes en permettant la résolution de conflits ou de quêtes uniquement par les dialogues comme dans tous bons RPG. En un sens pourquoi pas, mais c’est très mal exécuté et l’agacement se fait vite sentir.

Enfin, le pire du pire selon moi, les développeurs français - peuple hexagonal, je le rappelle, moralement décadent, au bord du suicide ethnique et pétris de bonnes intentions infernales comme tout bon gauchiste nihiliste qu’il est - ont souhaité rendre « diversité friendly » leur jeu d’aventure. Ce qui donne des choses très exaltantes ! Oh oui ! Comme voir des tribus autochtones dans les vastes contrées du nouveau monde constituées de noirs et de blancs, c’est quelque chose de… perturbant. Pourquoi mettre des tribus multi-ethniques dans ce contexte ? Par quel dérangement mental peut-on er pour estimer que c’est une bonne idée, bordel ? Il est impossible de mélanger les races dans un contexte historique comme celui-ci, pourquoi faire un truc pareil au nom de l’antiracisme ? Et ne me parlez pas du fait qu’il s’agit d’un monde imaginaire. Imaginaire n’autorise pas fatalement toutes les fantaisies, toutes les incohérences, toutes les idéologies politiques. Voir un chef de tribu caucasien parler comme un natif amérindien dans une tenue constituée d’os dans les cheveux ou dans le nez, de peintures tribales sur le visage et de pagne en feuille de palmier est tout simplement du racisme inversé. Les blancs étaient effectivement comme cela, mais au néolithique ! Il y a 7 000 ou 8 000 ans, pas au XVIème-XVIIème siècle ! En fait, au nom de l’antiracisme, on refuse aux blancs l’idée selon laquelle ils auraient développé le monde moderne plus rapidement que d’autres civilisations. On refuse l’idée que les caucasiens auraient réussis là où d’autres ont stagné et donc on les place au même niveau qu’une ethnie sous développée en pleine forêt. On tire les blancs vers le bas pour satisfaire l’instinct vilement égalitaire de l’antiracisme et surtout on propose un patchwork pathétique de protagonistes qui n’ont rien à foutre ensemble dans des enclaves reculées du nouveau monde. Ça n’a aucun sens !

Par ailleurs, on déplorera un scénario très manichéen dans lequel les colons sont quasiment tout le temps des individus cyniques avides d’argent et de pouvoir, peu moraux et dont la religion totalitaire (ressemblant comme par hasard au catholicisme) serait intolérante. Bref, tout le couplet habituel du bon sauvage contre le colon impitoyable, de la spiritualité ouverte contre le dogme monolithique intolérant et cruel. L’un aurait compris comment se comporter auprès de Mère Nature et des siens, tandis que l’autre ne serait animé que par la cupidité et la vanité (d'où le titre d'ailleurs). L’un serait pacifique et tolérant, ouvert aux échanges culturels et à la discussion, le second impitoyable, avide et perfide politiquement quitte à trahir l’innocence, la naïveté des autochtones pour parvenir à ses fins. La totalité des quêtes et de la trame de fond de ce GreedFall se résume à ces quelques lignes. Il s’agit d’une sorte de Pocahontas revisité si vous préférez. Et cela, les amis, j’en ai plein le cul. Autant être très clair avec vous.

Pour conclure, GreedFall avait de bonnes bases sur lesquelles il aurait pu construire une belle aventure. Malheureusement certains choix scénaristiques m’ont freiné dans ma progression rendant indigestes les aventures de ce cher De Sardet. Le gameplay est sympathique les dix premières heures mais tourne vite en rond, la faute à un arbre de talents peu stimulant et mal fichu. La répétitivité du bestiaire fini également par lasser le joueur qui se cantonne vite à esquiver les combats pour clore des quêtes Fedex qui n’en finissent plus ! Comme tout bon RPG, des choix de dialogues et la possibilité de finir différemment des quêtes donnent un peu de couleur à votre expérience, il faut le souligner. Mais GreedFall récupère au age les mauvais côtés de ce genre en vogue : objets collectables à gogo dont 95% de déchets, butins cycliques (impossible de nettoyer une zone), compétences en alchimie anecdotiques, arbre de talents aux fraises etc. Il reste quand même à la production de Spiders une belle direction artistique qui ne laisse pas indifférent et un contexte très original et agréable mais dynamité de l’intérieur par une idéologie autodestructrice vouant un culte à l’autoflagellation et à l’amour immodéré et sans contrepartie de l’Autre. En même temps, quand on voit la trombine de la fondatrice du studio Spiders, Jehanne Rousseau, et lorsqu'on sait que cette névrosée est à l’origine du scénario de GreedFall... Tout fini par s’expliquer. On a la gueule de ses idées. Ne l’oubliez jamais.

"Le Progressiste n’a pas de pensée. Il ne connaît que la soumission à l’air du temps. Le renoncement à tout raisonnement, l’abolition de tout sens critique, l’abdication de tout courage pour se trouver toujours en stricte adéquation avec le consensus." Nicolas L.

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le 24 août 2023

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silaxe

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