Le studio néerlandais Guerrilla Games ressent le besoin de sortir de sa zone de confort. Connu essentiellement pour sa franchise de jeux de tir à la première personne Killzone, qui a rencontré un certain succès sur les consoles de chez SONY, le studio commence à s’interroger sur son avenir créatif. Bien que techniquement impressionnants, les jeux Killzone ont progressivement montré leurs limites en matière d’originalité et de renouvellement narratif. La répétition des mécaniques de gameplay et l’univers militaire futuriste de la série finissent par enfermer les développeurs dans un cadre rigide. Conscients de cette ime créative, les responsables du studio expriment alors le désir de se réinventer en explorant de nouveaux horizons vidéoludiques.
L’idée germe alors : pourquoi ne pas abandonner le genre du FPS pour s’attaquer à un projet plus ambitieux, à la fois narratif et ouvert ? Un RPG en monde ouvert, genre très prisé, leur semble être un terrain de jeu idéal pour exprimer une nouvelle identité artistique.
Dans cette optique de renouveau, Guerrilla Games décide de renforcer son équipe créative en recrutant des talents extérieurs. C’est ainsi qu’ils font appel à John Gonzalez, un scénariste reconnu dans l’industrie pour son travail salué sur Fallout : New Vegas. Son arrivée marque un tournant décisif dans la conception du nouveau projet. Gonzalez propose l’idée d’un monde post-apocalyptique radicalement différent des représentations habituelles. Ici, l’humanité n’est pas décimée par une guerre nucléaire, mais par la perte de contrôle sur ses propres créations technologiques.
L’univers que le studio imagine mêle nature sauvage, vestiges d’un âge numérique révolu et présence inquiétante de machines animales, des créatures robotiques à la fois majestueuses et menaçantes. Cette vision originale donne naissance à un monde où les civilisations humaines ont régressé à un mode de vie tribal, tandis que les ruines technologiques témoignent d’un é glorieux mais tragique. Le contraste entre l’archaïsme des sociétés humaines et l’hyper-technologie des machines devient l’élément central de l’identité du jeu.
Le 01 mars 2017, Horizon Zero Dawn sort en exclusivité sur PlayStation 4.
Les amateurs des jeux en monde ouvert estampillés Ubisoft retrouveront immédiatement leurs marques en découvrant l’univers de ce jeu. Le jeu reprend en effet certains codes bien connus : des feux de camp servant de téléportation rapide, des camps ennemis à nettoyer pour pacifier la région, ou encore d’imposantes tours à escalader pour révéler la carte. La collecte de ressources y occupe également une place centrale : qu’il s’agisse de plantes médicinales, de composants prélevés sur les machines ou de matériaux rares, tout peut être utilisé ou échangé. Ces ressources permettent de fabriquer ses propres munitions, pièges et potions, rendant la boucle de gameplay à la fois intuitive, gratifiante et stratégique.
Au-delà de ses mécaniques, le jeu séduit par sa direction artistique singulière et magistrale. Ce monde, à la fois primitif et technologiquement hanté, frappe d’abord par son étrangeté : au détour d’un buisson, on croit apercevoir une biche ou un rapace… Jusqu’à ce que le métal poli, les circuits lumineux et le mouvement mécanique trahissent la véritable nature de ces créatures : des machines inspirées de la faune animale. Cette hybridation entre technologie avancée et nature sauvage constitue l’âme visuelle du jeu. Chaque machine a son identité propre, fruit d’un charadesign exceptionnel qui mêle inspiration zoologique, robustesse industrielle et élégance futuriste. Le désir de toutes les découvrir devient une motivation à part entière, tant leur conception, leurs animations et leurs comportements sont fascinants.
L’une des grandes forces du jeu réside dans la variété et la richesse de ses combats contre les machines. Loin d’être de simples sacs à points de vie, ces créatures imposent au joueur une analyse constante. Il faut scanner leur anatomie pour repérer leurs points faibles, identifier les armes qu’elles portent, puis adapter son arsenal en conséquence. Certaines machines peuvent même se voir retourner leurs propres armes contre elles, ajoutant une couche tactique délicieuse à l’affrontement. À chaque nouveau type rencontré, la surprise et le danger sont au rendez-vous. Le renouvellement vient également de la montée en puissance du joueur : nouvelles aptitudes, amélioration des armes, ou apparition de machines plus redoutables contribuent à maintenir l’intérêt et la tension tout au long de l’aventure.
La montée en puissance de Aloy, l’héroïne, repose sur un système de progression classique mais très efficace. Chaque niveau gagné octroie des points de compétence à investir dans trois arbres distincts : furtivité, combat rapproché ou gestion des ressources. Ce système permet de façonner Aloy selon son style de jeu, en favorisant l’infiltration, la brutalité ou l’auto-suffisance. Les éclats de métal, la monnaie du jeu, ainsi que les composants prélevés sur les machines, servent à élargir et améliorer l’arsenal : arcs spécialisés, frondes, lance-câbles… Chacune de ces armes peut accueillir des modificateurs qui en améliorent la puissance, la cadence ou les effets élémentaires, apportant une dimension d’optimisation bienvenue.
L’éventail d’outils à la disposition d’Aloy offrent une grande liberté dans l’approche des combats. Il est possible d’opter pour la discrétion, en éliminant silencieusement ses cibles à l’arc ou en les piégeant avec des câbles électriques et des mines bien placées. Les combats frontaux ne sont pas en reste : immobiliser une machine avec un lance-corde avant de la harceler au corps à corps ou à la fronde donne souvent lieu à des scènes spectaculaires. Chaque affrontement devient un puzzle à résoudre, un ballet tactique où l’on combine environnement, équipements et réflexes. Cette richesse rend les combats toujours stimulants, même après des dizaines d’heures de jeu.
Explorer l’univers du jeu est en soi un plaisir constant. Le soin porté aux animations de la faune mécanique, la luxuriance des environnements et la richesse des biomes rendent chaque recoin de la carte digne d’intérêt. Les conditions climatiques dynamiques, du soleil flamboyant à la tempête de sable, des ciels étoilés aux blizzards mordants, participent à l’immersion et renforcent l’impression d’un monde vivant, changeant, imprévisible. On se surprend à s’arrêter en pleine ascension pour contempler un coucher de soleil ou écouter le chant lointain d’une machine au repos. Ces détails visuels et sonores, jamais gratuits, contribuent à faire de l’exploration une expérience contemplative et émotionnelle.
Horizon Zero Dawn ne se contente pas d’être un jeu d’action en monde ouvert techniquement réussi. Il incarne la renaissance d’un studio qui a su se réinventer en adoptant une vision artistique forte et une ambition ludique maîtrisée. À la croisée des genres, entre aventure, infiltration, RPG et survival, le jeu impose sa propre grammaire, servie par une héroïne attachante, un univers fascinant et un gameplay accessible. C’est une œuvre généreuse, conçue avec ion, qui donne autant envie de progresser dans l’intrigue que de flâner dans ses vallées numériques peuplées de géants d’acier.