It Takes Two
8.2
It Takes Two

Jeu de Electronic Arts (2021Nintendo Switch)

Épopée fantastique, mais pour héros antipathiques

Si je compte bien, ça fait huit ans...

Oui, c'est ça. Vu que j'ai joué à cet It Takes Two en 2025, ça fait huit ans qu'un jeu Triple A ne m'avait pas emballé comme ça. (Et pour info, la dernière fois, c'était en 2017 avec Breath of The Wild et Super Mario Odyssey, donc autant dire que ça date...)

Pourquoi je précise ça d'entrée ? Pourquoi je parle de ça avant même d'évoquer les qualités intrinsèques de cet It Takes Two ? Eh bien tout simplement parce que ça fait vachement du bien de tomber sur une production qui nous offre une débauche de moyens ET qui maîtrise un réel savoir-faire vidéoludique.


Ah mais – putain ! – qu'est-ce que c'est plaisant ! Quel pied de se laisser emporter par une aventure ludique remarquablement pensée tout en s'en prenant plein les mirettes ! C'est d'autant plus appréciable que – jeu coopératif oblige – il est nécessaire de motiver deux joueurs plutôt qu'un ; deux joueurs qui n'auront d'ailleurs pas forcément la même expérience et le même rapport au jeu vidéo ! Dans mon cas, il se trouve que la motivation de ma coéquipière était au top, mais que, malgré ça, il n'en demeurait pas moins qu'elle attendait surtout de ce jeu qu'il ne soit pas trop prise de tête. De mon côté, les enjeux étaient différents : ma crainte, c'était de subir un gameplay monocorde et anecdotique tout le long d'une aventure qui n'en finisse jamais. Or, sur ce plan, It Takes Two fait vraiment fort dans la mesure où il parvenu à trouver un très bon point d'équilibre : d'un côté il y a ce parti pris de réduire l'aspect dextérité au maximum (peu de boutons à gérer, des fenêtres d'action assez permissives, une assistance assez généreuse sur les visées) et, de l'autre, il y a ce choix de faire reposer toute l'exigence ludique du titre sur la résolution de puzzles mécaniques. Chaque nouveau niveau appelle à l'appréhension de nouvelles mécaniques de coopération ; nouvelles mécaniques qui sont amenées à s'enrichir subtilement au fur et à mesure où on avance. C'est à chaque fois suffisamment limpide pour que même les novices comprennent les enjeux mais, en même temps, ça pousse suffisamment son concept pour obliger régulièrement les deux compères à comprendre comment l'un doit travailler avec l'autre pour avancer.


Sur ce point, It Takes Two nous sort presque la masterclass.

Mais encore une fois – et j'insiste – le plaisir de l'aventure est clairement amplifié – pour ne pas dire « rendu possible » – par la réussite technique de l'ouvrage ; réussite clairement liée à sa dimension « blockbuster » Triple A.

Car, l'air de rien, notre partie est clairement portée par cette philosophie du grand spectacle contrôlé et maîtrisé au poil de cul. Et c'est ce qui fait que, du début jusqu'à la fin, on se laisse agréablement porter par l'enchaînement des tableaux.

C'est qu'à cela s'ajoute une débauche de moyens qui aspire clairement à rendre notre environnement de jeu le plus séduisant possible ; et pour le public le plus large. Et comme Hazelight Studio a clairement fait du couple le sujet comme la cible de son jeu, le choix d'une aventure à la Chérie, j'ai rétréci les gosses se révèle des plus pertinents. Voilà qui nous amène à parcourir un espace forcément familier ; mais sous une perspective lilliputienne qui apporte l'esprit d'aventure et d'évasion nécessaires. Et pour le coup, c'est un atout qui est loin d'être anodin puisqu'il y aura toujours un niveau ou une phase qui gavera l'un des deux joueurs...

Pour ma part, la boule à neige. Pour ma partenaire de jeu : l'arbre à la ruche.

...Mais, dans les deux cas, la pyrotechnie visuelle des niveaux a toujours su faire er la pilule et donner envie d'aller voir ce qui suit derrière. Et derrière, on se retrouve justement avec pas mal de niveaux et de séquences qui fonctionnent très bien, avec même de très grands moments de jeu vidéo.

L'ascension du château de la reine Cutie ou l'organisation du concert final, je trouve qu'en termes de profusion visuelle, d'idées malicieuses et surtout de montée en puissance, on atteint vraiment du très haut niveau.


De toute façon, quelques soient les goûts, le jeu ne s'attarde jamais vraiment sur une phase, pas plus qu'il ne s'attarde vraiment sur un univers. C'est vraiment réglé comme du papier à musique.

Pour l'occasion, l'effet « grosse machine » pour laquelle tout a été pensé dans les moindres détails pour ne frustrer personne fonctionne très bien. L'esprit n'est pas de challenger, mais juste de mettre en dynamique. Une philosophie qui est, en plus de ça, totalement cohérente avec la narration du jeu qui parle justement de dynamique de couple à relancer. Autant dire qu'on toucherait presque là au jeu parfait – remarquablement pensé sur tous les points et sous toutes les coutures – et pourtant... Pourtant c'est sur cet aspect-là que le jeu dérape totalement. Il dérape même tellement qu'il réussit cet inconcevable exploit de saborder grandement le plaisir d'une aventure qu'il avait pourtant méticuleusement orchestrée.


Ah mais ces personnages : quelle HOR-REUR !

May et Cody sont tout bonnement inables, et cela à chacune de leurs interventions. Et comme on les incarne tous deux dans le jeu : on a juste envie de les balancer volontairement dans le vide pour qu'ils ferment leur gueule. Et même si j'entends bien que c'était l'intention du jeu – celle qui consiste à partir d'un couple dysfonctionnel pour ensuite mieux le revivifier (pas de les balancer dans le vide) – il n'empêche que l'effet sur des joueurs comme moi reste le même : ça crispe. Vraiment. Souvent. Profondément.

Et cette écriture me crispe d'autant plus qu'on sent qu'elle ne maîtrise finalement pas grand-chose des enjeux qu'elle cherche pourtant à traiter. D'un côté on a deux personnages totalement infantiles et égocentrés, incapables de penser ce sujet collectif qu'est le couple ou la famille, et de l'autre on a un coach de thérapie de couple qui pense le rabibochage à deux comme une gigantesque séance de team building. (Oui, vous avez bien lu : il y a dans ce jeu un coach. Ça ne s'invente pas.)


À partir de là, rien d'étonnant à ce que, même au bout de leur périple, nos deux zigotos soient encore d'imbuvables caricatures de libéraux égocentrés et irresponsables. Mais le souci, c'est qu'avec cette structure de récit où ils sont censés partir du pire pour arriver au meilleur, on se retrouve donc avec des personnages tout bonnement odieux pendant les deux premiers tiers de notre partie.

En ce qui me concerne, ça a été un véritable effort continu d'abstraction pour essayer de profiter au mieux de ce que cet It Takes Two avait à offrir, tout en laissant de côté les immenses insuffisances de son écriture, et c'est vraiment ce qui l'empêche chez moi de prétendre au-delà d'un bon 8/10.


Mais bon, ce 8/10, je le maintiens malgré tout sans hésiter car, même si cet It Takes Two est construit autour d'un récit désastreux, cela ne l'empêche pas de s'imposer comme une expérience ludique et une aventure visuelle marquantes qui devraient faire réfléchir pas mal les grosses majors du JV quant à la bonne stratégie à tenir...

8
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le 2 avr. 2025

Critique lue 78 fois

4 j'aime

lhomme-grenouille

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