Jet Force Gemini sur N64, c’est l’un de ces jeux que beaucoup n’ont jamais terminés, non pas par manque d’envie, mais parce que la jouabilité impose quasiment de tout récupérer pour atteindre le dernier niveau. Un choix discutable, certes, mais qui n’enlève rien à la grandeur du jeu.Rare a clairement repoussé les limites de la Nintendo 64 en matière de contenu, d’idées et de level design. C’est un jeu où chaque pixel, chaque ressource est exploitée jusqu’à la moelle. Les contraintes techniques de la console jouent d’ailleurs beaucoup sur son charme : ce minimalisme saturé, où tout est optimisé à fond, donne une identité unique au jeu. C’est l’une des raisons pour lesquelles Jet Force Gemini fait partie de cet âge d’or du jeu vidéo, aux côtés de Zelda: Ocarina of Time, où les concepteurs savaient jouer avec les limites du médium pour créer des œuvres d’une ingéniosité rare. Un remake aujourd’hui ne pourrait pas en faire autant. Avec trop de moyens, on finirait par se perdre dans des ajouts inutiles. Là, c’est brut, précis, efficace.Et surtout, aucune concession. Du sang, du sang, du sang, des monstres qui explosent en morceaux, des décapitations à la pelle, et des niveaux qui font froid dans le dos. Ce n’est pas juste un jeu coloré avec des insectes géants : c’est un véritable carnage sous acide. Certains ages sont d’une cruauté hallucinante, avec des scènes qui marquent au fer rouge. Des larmes, du feu, une guerre totale où l’horreur côtoie l’absurde.Et ce scénario ! Un génocide d’oursons façon Lemmings par des monstres-fourmis géants ? C’est génialement barré. L’antagonisme ultra-contrasté entre ces créatures mignonnes et ces armées d’insectes carnassiers donne une saveur toute particulière au jeu. C’est à la fois absurde, cruel et fascinant. Et que dire des dialogues ? Incroyables. Qui a écrit ça ? C’est du caviar. Un ton décalé, un humour noir qui tranche avec l’esthétique colorée, une justesse d’écriture qu’on ne retrouve presque plus aujourd’hui.Bref, Jet Force Gemini, c’est une pépite. Un jeu qui va droit à l’essentiel et qui, malgré ses exigences, marque profondément ceux qui s’y sont aventurés. Une œuvre à l’économie qui confine à la poésie, un shooter qui n’a peur de rien, un grand du jeu vidéo qui n’a jamais eu l’hommage qu’il méritait.