The Legend of Zelda: Ocarina of Time
8.7
The Legend of Zelda: Ocarina of Time

Jeu de Nintendo (1998Nintendo 64)

« A childish mind will turn to noble ambition »

Sept longues années après A Link to the Past s’imposeront aux joueurs pour revoir les aventures de Link sur console de salon, je me permets d’exclure les Zelda CD-i, je pense que vous me le pardonnerez. L’attente fut longue et les enjeux de taille, Link ne doit pas seulement sauver Hyrule mais la Nintendo 64 dont les ventes s’essoufflent depuis un an face à la Playstation qui compte alors 5 fois plus de jeux commercialisés, dont beaucoup de jeux d’aventure et de jeux de rôle quasi-absents sur Nintendo 64. Malgré cela, le développement d’Ocarina n’est pas précipité, bien au contraire.


La plus grande partie des équipes de Nintendo viennent en renfort pour pleinement réussir la difficile transition vers la 3D et une campagne marketing historique est lancée pour que tous les projecteurs soient tournés vers lui durant ses longs mois d’attente et ses différents reports. Et ça ne sera pas vain puisque The Legend of Zelda Ocarina of Time est sans aucun doute l'un des jeux les plus cultes et les populaires qui soit, pour certains non seulement le meilleur Zelda mais aussi le meilleur jeu de tous les temps. Voyons si je le place en si haute estime. A noter que je parlerai ici de la version N64 originale, non de sa remasterisation sur 3DS.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆


Comment transposer l’expérience Zelda en 3D ? C’est la principale question qui va expliquer ces longues années de développement pendant lesquelles l’équipe va beaucoup expérimenter jusqu’à parvenir à la formule d’action-aventure, et par extension de l’ARPG, en 3D dont on retrouvera les fondamentaux pour les décennies à venir. Et comme il a fallu tout réinventer, il faut tout réexpliquer et bien entendu Ocarina of Time saura le faire parfaitement au cours de ses premières heures de jeu qui enseigneront chacune des mécaniques avec plus ou moins de subtilité mais toujours de façon très clair.


Une fois pris en main, le maniement de Link s’avère très complet avec la nécessité de placer / esquiver les attaques avec ses bonds latéraux, saltos arrières, attaques plongeantes... et surtout très ergonomique pour l’époque avec les nombreux raccourcis disponibles simultanément, la parade simple à brandir, une touche commune pour plusieurs actions différentes et ce qu’ils ont appelé le Z targetting, autrement dit le ciblage pour ne pas galérer à viser en orientant automatiquement les coups sur une cible mouvante et pouvoir bouger rapidement sans perdre la cible des yeux.


Bien sûr, le système est assez perfectible, on ne peut pas sauter librement, on peut ouvrir une porte alors qu’on cherchait à récupérer quelque-chose près de cette porte, devoir revenir au menu pour changer de bottes par exemple peut être assez ennuyeux, il faut bien être dans le bon angle pour cibler et er d'une cible à l'autre n'est pas si simple, la caméra va forcément se planter dans le décor 1 ou 2 fois, le masque de collision peut être approximatif à l’occasion... mais ce maniement très innovant fonctionne déjà plutôt bien dans l’ensemble et tous ces petits défauts pèsent pas bien lourds dans l’expérience de jeu.


L’arrivée d’Epona dans la franchise et avec elle la possibilité de monter à cheval pour Link n’est pas encore très bien exploitée mais propose déjà un maniement dynamique avec des possibilités d’accélération à déclencher et limitées, une utilisation satisfaisante avec des mini-jeux dédiés tout à fait sympatiques… c’est juste que ce n’est pas aussi implémenté dans le gameplay général que le suggère l’écran-titre. D’ailleurs, il est parfaitement possible de finir le jeu sans débloquer la possibilité de chevaucher la jument, même si c’est très improbable


Beaucoup de situations de jeu différentes et de possibilités d’exploration rythment l’aventure entre ses très nombreux donjons qui regorgent d’idées innovantes pour pleinement exploiter le potentiel de la 3D, arborent des structures assez différentes les unes par rapport aux autres, respectent une courbe de difficulté cohérente, offrent un petit degré de liberté dans leur enchaînement et aboutissent à un final mêlant leurs principales réussites. Ocarina of Time est incontestablement l’un des titres de la franchise les plus salués pour la qualité de ses donjons, ce n’est pas pour rien.


Certes, l’escorte de Ruto dans Jabu Jabu n’est pas des plus intéressantes, plusieurs combats de boss sont des transitions 3D assez simplistes de boss déjà affrontés en 2D, la plate-forme dans le temple du feu n’est pas adaptée aux limites du système de saut, le temple de l’eau est sans doute un peu trop laborieux, l’infiltration dans la forteresse de Gerudo est un peu trop longue… Mais si ce n’est pas la perfection absolue, comment ça aurait pu l’être en étant aussi innovant et généreux, l’ensemble est très impressionnant, surtout quand on sait que les donjons ont été retravaillés au fur et à mesure du développement du jeu qui n’arrêtait pas d’offrir de nouvelles mécaniques de jeu à Link.


Un compromis est trouvé pour proposer une réelle exploration tant le jeu regorge de secrets à découvrir et d’énigmes pour progresser, mais tout en orientant le joueur pour qu’il ne se perde pas complètement et en lui laissant des indices bien utiles, limitant le risque de baisse de rythme, notamment en début de partie. En effet, pour que cette partie-là du gameplay suive la courbe de difficulté progressive de l’expérience, les indices se raréfient progressivement mais comme on a eu le temps d’apprendre la logique de résolution, ça marche plutôt bien comme ça.


Il y a tout de même quelques incohérences, comme le feu qui est la seule magie nécessaire pour débloquer la progression à un moment qui semble un peu aléatoire, mais au regard du nombre d’énigmes et du développement perturbé par toutes les expérimentations, le niveau de maîtrise des développeurs est tout de même très impressionnant là encore. Et évidemment, cette exploration a le bon goût d’être récompensée de bien des manières, le plus souvent bien utiles et à la mesure du niveau de difficulté pour l’obtenir, tout en profitant d’un monde assez bien construit avec différents raccourcis à débloquer pour naviguer entre ses zones. Il est temps d’ailleurs de voir comment ces dernières sont dépeintes.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆


Commençons par le plus évident, la réalisation d’Ocarina of Time est l’une des plus impressionnantes de sa génération avec un haut niveau de détails, des modèles 3D de grande taille pour les boss, une belle distance d’affichage pour bien se rendre compte des environnements interconnectés au sein d’un même monde, une lumière dynamique et beaucoup d’effets visuels simultanément à l’écran, des reflets impressionnants… et même pas besoin de jouer pour s’en rendre compte, il suffit de rester sur cet écran titre dynamique mémorable pour l’apercevoir.


Un studio de motion capture est même créé chez Nintendo à l’occasion du développement d’Ocarina of Time pour que les animations soient les plus réalistes possibles. Les mouvements d’épée sont ainsi reproduits à partir d’un kenshi, c’est-à-dire un pratiquant professionnel du Kendo, version moderne de l'escrime au sabre des samouraïs. Et Nintendo a veillé à trouver le juste milieu pour que l’on puisse profiter de ces animations visuellement sans qu’ils ne se traduisent par des temps trop longs risquant d’alourdir le gameplay.


L'arrivée de la 3D à l'époque permettait une nouvelle mise en scène et Nintendo ne sait pas fait prier pour y recourir généreusement et efficacement avec par exemple Ganondorf vu depuis une contre-plongée pour marquer le rapport de force en sa faveur alors qu’on incarne Link Enfant, des mouvements de caméra assez lents autour de Zelda pour appuyer sa douceur, une vue aérienne suivant Navi pour avoir un aperçu dynamique d’un environnement, Sheik en vue subjective plongeant devant nous au colosse du désert... et tout ça avec le moteur du jeu qui peut donc inclure différentes variations selon notre équipement, le moment de la journée...


En effet, un effort très conséquent a été porté pour renforcer le sentiment d’immersion. Le cycle jour / nuit en continu pour les environnements extérieurs est bien rendu, des effets sonores très variés selon notre positionnement et nos actions… sont autant d’éléments pour offrir un sentiment d'immersion appréciable. Les moments les plus marquants profitent d’un décor et d’une mise en scène en temps réel très marquants, comme l’environnement onirique baigné par les brumes desquelles Dark Link jaillit, la nuit éclairée par le tonnerre et les flammes alors qu’on affronte Ganon...


Plafonné à 20 FPS, même un peu moins en Europe, limité par une distance d’affichage nette peu élevée et à une bien faible résolution. Mais c’était inévitable étant donné les ambitions visuelles du titre et les normes techniques de l’époque, et en plus le jeu compose assez intelligemment avec ces limitations en harmonisant les animations pour que le jeu paraisse moins lent qu’il ne l’est, en offrant des justifications à l’animation tardive des modèles 3D comme les Gorons qui sont des pierres immobiles avant que Link ne s’approche d’eux...


L’ambiance s’autorise dès le début de l’aventure des moments très relaxants, comme nos premières balades au village Kokiri, comme très anxiogènes, comme l’exploration de l’arbre Mojo mourant. Le contraste fonctionne formidablement bien et sera répété très souvent avec notamment beaucoup de relectures mémorables profitant du système des mondes parallèles. Et pour un jeu qui me peut sembler très enfantin au premier regard, Ocarina of Time s’autorise une direction artistique très sombre par moment, bien plus que pour les épisodes précédents.


Le chara-design de Link est une franche réussite en proposant une version enfantine conforme aux origines de la série et une version adulte davantage dans l’ère du temps. Mais si la plupart des chara-design principaux ont très bien vécu le age à la 3D (Link, Ganondorf, Zelda…), je trouve néanmoins le chara-design de certains persos très discutable, c'est soit du mauvais goût (les kokiris, les fées…), soit pas très classe même pour des personnages importants (Sheik), voir paresseux (Navi). Et franchement, c’est le seul reproche que je peux adresser au rendu visuel du jeu.


Parce que c’est pas du côté du son qu’on risque de trouver des défauts. L'OST dans son ensemble renforce une ambiance propre à chaque environnement en brillant dans les tons mélancoliques, relaxants ou encore énergiques. L'ocarina pour se téléporter et provoquer des petits miracles avec des petites mélodies très agréables que l’on doit réaliser par un mini-jeu de rythme, c'était une excellente idée. La stéréo est très travaillée pour bien différencier les sons venant de gauche ou de droite. Bref, c’est quasiment irréprochable, voyons si c’est le cas pour son scénario et pour sa narration.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★☆☆


Ocarina of Time entend conserver une intrigue classique pour la franchise, le courageux Link défiant le vilain Ganondorf pour sauver la belle Zelda, tout en développant l’univers et en reprenant différemment les concepts narratifs centraux de A Link to the Past. En effet, on a de nouveau droit à un retour dans le é par rapport à l’épisode précédent, 2 univers parallèles et une première quête principale qui est finalement le prologue de la véritable quête principale. Il faut donc accepter le manichéisme évident et la structure narrative familière qui vont inévitablement ressortir de cette aventure pour apprécier à leur juste valeur ce que le titre va réussir à en retirer.


L’univers de la saga Zelda se développe grandement et intelligemment avec cet épisode qui est marqué par l’arrivée des Kokiris, des Gorons, des Gerudos ou encore le développement des Zoras, qui sont tous très associés à l’environnement naturel dans lequel ils vivent. On peut y interpréter un message écologique subtil mais réel tant s’adapter à la nature plutôt que d’essayer de la dominer semble la voie à suivre dans cet univers et où la résolution de l’intrigue e par leur réunion, comme un écosystème se doit d’être respecté, sinon restauré. Certains connaisseurs de la culture japonaise parlent également d’une relecture du Shintoïsme, mais pour le coup j’aurais plus de mal à l’identifier par moi-même.


C’est surtout le voyage dans le temps entre 2 époques séparées de quelques années par l’intermédiaire du fameux Ocarina qui marque la narration de cet épisode. Le concept central d’un Link enfant et d’un Link adulte est une excellente idée pour travailler sur la perception d’un enfant qui pense ne pas être écouté du monde adulte, qui rêve d’aventure autant qu’il peut en avoir peur… et sur celle d’un adolescent ou d’un jeune adulte qui est bien plus crédible dans le rôle du héros suffisamment fort pour sauver le monde mais qui évolue dans un environnement désenchanté et qui ne peut s’empêcher de se replonger dans le é.


Le scénario d’Ocarina est surtout une réflexion mélancolique sur le age à l’âge adulte, sur comment concilier l’insouciance de la jeunesse et la capacité d’agir de l’adulte. C’est donc un scénario simple mais intéressant et une narration qui peut se révéler assez subtile. On peut par exemple se retrouver à interpréter qu’un environnement avec une direction artistique particulière serait la face cachée d’un monde parce qu’il demande d’utiliser abondamment le monocle de vérité pour y progresser, et quand on analyse tout ça à travers les thématiques principales qui sont très explicites, ça semble former un tout à peu près cohérent.


Des animations faciales caricaturales mais reconnaissables permettent de bien souligner les émotions des personnages, ce qui était assez rare à l’époque pour des images réalisées avec le moteur du jeu plutôt qu’en images de synthèse ou en FMV. Les dialogues des PNJ comportent également pas mal de variations en fonction de notre progression dans l’aventure, de notre équipement, de nos actions… ça aide bien à s’investir dans l’histoire, si l’on excepte les chara-design problématiques mentionnés plus tôt bien sûr, ce que je n’ai jamais vraiment réussi à faire pour être honnête, tout du moins pas dans cet épisode.


Il y a tout de même des ratés qui font bien tâche, et je pense surtout à Navi qui est rapidement ennuyeuse et manquante d’identité pour une sidekick alors qu’elle est censée représenter une partie importante de cette enfance de Link. Elle devrait être vue comme une guide à laquelle on s’est attaché et dont on devrait être triste de la voir disparaître, mais ça ne peut pas marcher à mes yeux tellement elle a été ratée dans son design comme dans son écriture.


Je trouve aussi qu’Ocarina of Time est le premier épisode de la franchise a perturbé sa continuité parce que l’on doit imaginer une fin alternative qui n’existe pas dans le jeu, c’est-à-dire partir du principe que Link échoue dans sa quête, pour que la cohérence avec les autres épisodes soit pleinement assurée. Certains diront que ce n’est pas très important, voire que cette continuité n’a jamais existé et n’en a jamais eu besoin, personnellement je pense que ça trahit un manque de qualité d’écriture pour créer tout un univers cohérent, même si ça n’enlève rien à toutes les qualités précédemment citées.


CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆


Ocarina of Time a su révolutionner l’action-aventure en redéfinissant le gameplay de sa franchise pour pleinement profiter des possibilités de la 3D dans une nouvelle aventure aussi généreuse que bourrée d’excellentes idées innovantes, s’est doté d’une réalisation impressionnante et d’une direction artistique quasiment irréprochable, propose une narration plus subtile qu’il n’y paraît pour développer un scénario intéressant dans un univers enrichi. En déant les 7 millions de ventes, Ocarina of Time a également rempli sa mission de rebooster les ventes de la Nintendo 64, même s’il est trop tard pour rattraper la Playstation, il devient le jeu le plus vendu de sa saga et il le restera pour 20 ans.


Il n’est pas mon épisode préféré de la franchise, encore moins mon jeu préféré, en raison de quelques fautes d’ergonomie qu’il était difficile d’éviter, de son chara-design que l’on peut sans doute aimer mais qui me gâche une partie de l’immersion, de quelques personnages importants ratés à mes yeux… mais d’un développement long et complexe dans un contexte difficile et historique, il est incontestablement devenu l’un des plus grands jeux de sa console, de sa génération, de sa franchise et plus simplement de l’histoire du jeu vidéo.

8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs jeux de la Nintendo 64

Créée

le 13 avr. 2025

Critique lue 12 fois

damon8671

Écrit par

Critique lue 12 fois

D'autres avis sur The Legend of Zelda: Ocarina of Time

overhype, fanboys & poils à gratter

Ocarina of Time est incontestablement le jeu le plus surestimé de tous les temps C'est pour dire, même les Call of Duty n'ont pas réussi à faire pire. Les fanboys de la licence lui vantent...

Par

le 12 juin 2012

54 j'aime

246

The Legend of Zelda: Ocarina of Time
10

Malon, Mido, Saria et les autres...

Élever une œuvre au rang de culte ne veut pas dire que l’œuvre en question est parfaite. Bien sûr que non. Quand Ocarina Of Time est sorti, on avait déjà vu plus beau, on avait déjà vu plus vaste, on...

Par

le 13 nov. 2010

46 j'aime

4

The Legend of Zelda: Ocarina of Time
10

Critique de The Legend of Zelda: Ocarina of Time par Caracallas

Zelda Ocarina Of Time reste (et restera sans doute) à mes yeux le plus beau jeu de tous les temps. En voulant y rejouer il y a peu, j'ai constaté qu'il avait en effet pris un coup de vieux, mais cela...

le 26 août 2010

46 j'aime

10

Du même critique

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

Par

le 24 août 2013

35 j'aime

11

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

Par

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

Par

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7