Après avoir émerveillé le monde du jeu vidéo et marqué son histoire sur Nintendo 64 avec le légendaire Ocarina of Time et le chef d’œuvre Majora’s Mask, Zelda n’en a pas tout à fait fini avec cette génération avant de er à la suivante car la saga n’a toujours pas offert un épisode inédit sur la console portable du moment : la Gameboy Color. Alors que Link’s Awakening avait été une petite merveille de la Gameboy, les attentes pouvaient être grandes pour cette nouvelle aventure de poche qui ne va pas manquer d’originalité. Tout d’abord, il s’agit d’un jeu découpé en 2 jeux sortis simultanément, reprenant un code couleur Rouge et Bleu évoquant clairement le modèle des Pokémons, et c’était même 3 jeux prévus à la base mais réduits à 2 pour tenir les délais de sortie quelques mois avant l’arrivée de la Gameboy Advance.
Ensuite, c’est confié à Capcom qui n’avait aucune référence dans le genre de l’action aventure et alors que la précédente tentative de confier la licence à un éditeur hors Nintendo a provoqué la catastrophe tristement célèbre sur CDI. Enfin, l’épisode est dirigé par un nouveau venu dans la franchise avec Hidemaro Fujibayashi qui n’a à ses côtés quasiment aucune des personnalités artistiques majeures associées à la franchise. Une proposition aux allures mercantiles, à la sortie précipitée et par des développeurs sans expérience n’avait que peu de chance d’aboutir à la très bonne surprise que je vais pourtant vous décrire durant cette critique qui parlera autant d’Oracle of Seasons que d’Oracle of Ages. Et je vous propose pendant cette lecture l’écoute de cette magnifique version vocale du thème d’Oracle of Ages.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆
Tout d’abord, le style graphique de Link’s Awakening, notamment de sa version colorisée DX, est repris à l’identique, le chara-design de Link et ses animations ainsi que de beaucoup de personnages rencontrés et du bestiaire affronté. Étant donné les qualités extra-ordinaires de cette réalisation, ça ne me choque pas qu’elle ne soit pas transfigurée malgré le age de génération de consoles. Et quand on connaît le contexte de développement décrit plus tôt et les avancées technologiques limitées de la Gameboy Color, je peux comprendre cette solution de facilité visant à s’approprier des ressources graphiques qui ont déjà fait leur preuve plutôt que d’expérimenter un rendu inédit qui n’apporterait sans doute pas tant que ça.
Ça reste une limite à l’appréciation que je peux porter à ce titre qui manque d’ambition sur le sujet mais c’est donc un choix cohérent qui va être appliqué avec soin. Ce qui était une révolution technique en 1993 ne peut plus l’être en 2001 mais peut continuer à ravir les yeux grâce à l’ajout des couleurs et aux détails du pixel-art. Les premières sont poussées à leur maximum et sont très utilisées avec les couleurs évoquant un filtre sépia pour identifier le é dans Ages et les 4 palettes de couleurs différentes pour distinguer les 4 saisons de Seasons.
Pour les seconds, les illustrations composant les cinématiques sont de toute beauté avec les oracles représentant de manière élégante et marquante leur jeu respectif tandis que les sprites sont détaillés et plutôt ressemblant aux artworks. On a plusieurs ages à la mise en scène simpliste mais efficace pour simuler une tempête en pleine mer, des éruptions volcaniques, des murs se refermant sur nous… tandis que la diversité des environnements est plus qu’au rendez-vous avec beaucoup de thématiques environnementales différentes réparties sur les 2 jeux.
Enfin, s’il n’a pas été composé pour ce but précis, le rendu de Link’s Awakening sied tout de même très bien à l’ambiance très enfantine voulue par le récit et que l’on développera plus tard, peut-être qu’un tout nouveau rendu orienté spécifiquement pour cela aurait été encore mieux, mais comme ça fonctionne très bien je n’ai pas envie de lui reprocher. The Legend of Zelda Oracle s’inscrit parmi les plus beaux titres de sa console aussi bien sur le plan technique qu’artistique, comme nous étions en droit de nous attendre de par sa date de sortie tardive et les ambitions habituelles de la franchise.
Si Koji Kondo n’a pas participé à la composition musicale du titre, Oracle ne manque pas d’ et d’ab des thèmes emblématiques qui sont de toute manière attendus et surtout de développer un thème inédit fort propre à chaque Oracle. Sinon, les différentes musiques d’ambiance font bien leur travail sans spécialement marquer les esprits, même en étant parfois un peu trop courtes dans leur boucle de mélodie. Réalisation et esthétisme ne sont donc pas sans reproches mais globalement excellents et nous allons désormais voir qu’il en sera de même pour le gameplay.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆
Si Oracle of Seasons et Oracle of Ages sont 2 aventures distinctes, d’une quinzaine d’heures de jeu chacune et donc parfaitement dans la norme des Zeldas 2D, justifiant au age leur prix respectif, on peut exporter des données de l’une à l’autre par un câble Link qui n’a jamais aussi bien porté son nom ou par un mot de e, et la véritable fin ne peut être accessible que si l’on termine un jeu puis l’autre. J’ai personnellement fait Oracle of Seasons puis Oracle of Ages en version liée en faisant des va et vient avec Oracle of Seasons jusqu’au final commun dans Ages, tout en me renseignant sur les différences très subtiles si l’on choisit de faire l’inverse.
On a quelques variations dans le maniement par rapport à Link’s Awakening comme les bombes qui ne s’utilisent pas tout à fait de la même manière, les graines pégases qui viennent ajouter une question de gestion de ressources à l’accélération par rapport aux bottes à usage illimité… **On a aussi droit à des mécaniques déjà existantes mais ici plus exploitées** comme la magnifique cape de Seasons améliorant encore la mécanique de saut déjà brillante de la plume, la canne de Ages permettant de matérialiser un bloc qui est au cœur de tout un donjon et de son boss.
Et bien sûr on a des mécaniques de jeu parfaitement inédites et très réussies pour la plupart avec le lance-graines de Ages dont les rebonds sur les parois constituent une mécanique de tir originale pour les combats comme pour les énigmes, les gants magnétiques de Seasons qui changent nettement du grappin avec des possibilités de déplacement et d’interaction surprenantes. On voit aussi très bien par ces exemples que tout ce contenu se répartit intelligemment entre les 2 jeux, bien que Ages inclut des idées qui étaient destinées au troisième jeu annulé.
Il est aussi intéressant de constater 2 visions différentes du game-design Zelda avec Seasons davantage porté sur l’action et Ages davantage porté sur la réflexion, les 2 étant bien équilibrées au global et surtout aussi abouties l’une que l’autre. Dans les 2 cas, le monde est construit intelligemment et avec ses propres idées, les variations de level-design sont suffisamment importantes pour enrichir progressivement l’exploration sans la rendre trop complexe, les situations de jeu se renouvellent constamment, les mécaniques centrales des jeux sont toujours exploitées, les donjons respectent une courbe de difficulté cohérente sans quasiment de fausses notes et les boss présentent des paterns assez élaborés, même quand ils sont issus d’épisodes antérieurs dans lesquels ils étaient simplistes.
Le système des anneaux permettant de se déguiser ou de profiter d’un effet if avantageux ou handicapant offre pas mal de contenu annexe intéressant à débloquer, même si ça implique de longs mots de e à rentrer plusieurs fois d’un jeu à l’autre quand on arrive à la fin des 2 parties. De plus, l’aléatoire pour les obtenir d’une part et en obtenir des inédits d’autre part, peut frustrer le joueur complétionniste qui peut er des heures de jeu peu intéressantes pour obtenir les tous derniers anneaux, mais comme les plus utiles ont des conditions d’obtention fixes, ça ne me pose pas trop de problème. Il en va de même pour les quarts de cœur dont 2 pour chaque Oracle requièrent des conditions très aléatoires, uniquement un problème si on veut absolument la barre de vie parfaitement pleine.
Ce qui me gêne davantage c’est quelques défauts bien précis, notamment que le mini-jeu de la danse des gorons est un jeu de rythme un peu trop exigeant pour une phase obligatoire, le maniement sous forme de sirène n’est pas très ergonomique, les montures ne sont pas très exploitées une fois qu’on a quitté des situations de jeu très spécifiques, quelques quêtes annexes demandent de cre à la pelle un peu trop longtemps, l’ultime donjon aux 2 jeux réunis est un peu court et peu ambitieux pour constituer l’apothéose attendue du gameplay de tout Oracle… de quoi empêcher de crier au génie sans pour autant remettre en question l’excellence globale de ce gameplay très abouti.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆
Assez logiquement, Oracle dépeint une nouvelle aventure du Link de Link’s Awakening, qui peut tout aussi bien être une préquelle qu’une suite, mais qui va cette fois-ci renouer gentiment avec l’histoire principale en développant des intrigues annexes propres à chaque jeu avant que celles-ci ne fassent intervenir les éléments centraux de la franchise dans un final commun. En effet, le système d’export de données d’un jeu à l’autre permet de suivre un scénario transversal aux 2 épisodes dans l’un des 2 jeux, en ajoutant au age des mentions régulières au scénario du jeu déjà réalisé pour qu’on comprenne bien que l’ensemble ne constitue qu’une seule grande histoire.
C’est une mécanique narrative dont on peut apprécier l’originalité et la cohérence avec la proposition centrale de faire impérativement les 2 jeux Oracle mais dans l’ordre que l’on veut, mais dont il faut aussi clairement limiter le manque d’ambition au-delà du concept. Oracle ne cherchera jamais à offrir un tout niveau de lecture à une même scène selon s’il est fait ou non en mode lié, les quêtes propres à ce mode lié ne seront jamais très développées… mais en même temps le jeu ne fait jamais croire qu’il ira aussi loin, donc j’ai tendance à plutôt bien l’accepter.
Mais qu’en est-il de la qualité-même des intrigues d’Oracle ? Et bien que l’on s’attarde sur celle de Seasons très simpliste, celle de Ages un peu plus riche en péripéties, ou celle commune aux deux qui fait plus fonction de bonus dans une déclinaison comme dans l’autre, mon avis est globalement le même. Nous sommes en présence d’intrigues très classiques reprenant le principe d’une quête héroïque pour un Link qui va se porter au secours d’un monde charmant et de personnages attachants face à un mal digne d’un cartoon. C’est tout aussi peu ambitieux que bien exécuté.
On retrouve toutes ces petites répliques humoristiques qui viendront prêter à sourire de temps à autre, cette ambiance enfantine assumée qui l’est même encore davantage que les épisodes précédents, Wind Waker étant encore à venir. De plus, Oracle apporte des peuples inédits à la franchise même s’ils resteront cantonnés à cette aventure avec les adorables Subrosiens de Seasons et les Tokays farceurs de Ages, qui sont là aussi parfaitement dans le ton de cette ambiance générale qui parvient à gagner son identité propre tout en respectant les codes de Zelda.
Oracle vient aussi piocher sans vergogne dans le casting des précédents jeux Zelda avec pleins de personnages secondaires qui viennent faire de courtes apparitions pour un fan-service peu subtil, encore moins cohérent mais tout à fait plaisant. Les plus exigeants diront que ça vient apporter une tonne d’invraisemblances scénaristiques avec les autres épisodes, en plus de toutes les invraisemblances des récits en leur sein si l’on y regarde de près, et qu’on peut reprocher à Oracle d’être l’un des premiers jeux à perturber la cohérence globale de la franchise.
Pour ma part, je n’irais pas jusque-là en me rappelant que c’est un épisode plus mineur dans ses ambitions scénaristiques qui voulait juste faire plaisir aux fans, ne pas trop se prendre la tête sur l’intrigue et raccrocher la franchise sur console portable aux éléments principaux, sans réellement tenter de faire avancer cette intrigue d’une manière ou d’une autre. Par conséquent, même si le scénario et la narration sont sans doute ce qu’Oracle réussit le moins, cela ne m’empêchera pas d’être bien élogieux à son égard dans ma conclusion.
CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆
Oracle of Ages et Oracle of Seasons constituent, malgré les limites de sa machine, les très hauts standards de la franchise à l’époque et le manque d’expérience de ses développeurs, une aventure globale qui ne révolutionne rien mais qui est très bien maîtrisée avec un gameplay abouti, une réalisation soignée et une direction artistique charmante. Son concept d’apparence mercantile amène en réalité 2 jeux complémentaires n’en formant plus qu’un seul justifiant parfaitement son prix double aussi bien par sa qualité que par la générosité de son contenu se hissant parmi les toutes meilleures de la Gameboy Color et faisant honneur à sa franchise.