Quelques heures de décantation ont été nécessaires après ma lecture pour pouvoir formuler mon avis sur cette lecture qui me laisse un peu perplexe. Je ne peux pas dire que je n'ai pas apprécié ma découverte de "Chien-Loup" mais je ne peux pas dire non plus que j'ai été emballée.
Je reconnais à l'auteur un vrai don de conteur, et un talent de peintre qui s'affirme dans les magnifiques descriptions des causses du Lot, un terroir aussi fascinant qu'intimidant par bien des aspects.
Le récit s'articule autour de deux dimensions temporelles et deux histoires de couple : d'un côté 1914/1915 où l'on découvre Wolfgang, dresseur de fauves allemand, et Joséphine, la veuve de guerre du médecin du bourg ; de l'autre côté, 2017 où Lise, actrice en mal de transition néorurale et Franck, producteur de cinéma, viennent s'isoler dans les collines le temps d'un été caniculaire.
Le roman commence par un contraste important : d'un côté, le chaos du tocsin, des animaux sauvages, de la résonnance de la mitraille sur le front ; de l'autre, la quiétude d'une location noyée dans un calme seulement troublé par le chant des grillons et par le vent dans les branches.
Le roman offre une double narration originale, basée sur l'incongruité de trouver dans ce coin perdu du Lot un dompteur pris par surprise par la déclaration de guerre, en charge de huit fauves en captivité, et cent ans plus tard, l'incongruité de voir deux Parisiens coupés de tout confort et de toute "civilisation". Le lien entre les deux, ce sont les animaux sauvages qui ont peuplé ou qui peuplent toujours ce coin oublié de tous.
C'est audacieux de la part de Serge Joncour d'embarquer son lecteur dans ce méandre tour à tour solaire et hostile, disséminant quelques indices au fil des pages comme pour mieux l'appâter et l'apprivoiser. L'action prend son temps pour venir et ira crescendo vers un final que j'ai trouvé un peu abrupt. Mais reste la poésie du verbe et le dépaysement de l'instant.