Un des plus brillants, et des plus compétents spécialistes de l'Allemagne nazie s'attarde sur le "crépuscule" de ce régime, période de fin que l'on peut faire durer de juillet 1944 à mai 1945. Il essaie de répondre à une question simple : Pourquoi et comment l'Allemagne a-t-elle poursuivi les combats alors qu'il était évident qu'à l'hiver 1944 (voire même dès l'automne) la guerre était perdue. Prise en tenaille entre le rouleau compresseur russe à l'est et l'avancée inexorable des anglo-américains à l'ouest, il n'y avait aucune chance que l'état nazi évite la défaite. Pourtant, pendant près de 6 mois, les armées allemandes poursuivirent ce combat au prix de soufs inouïes et de destructions massives des territoires et populations concernés.
Longtemps la réponse que donnèrent protagonistes et historiens se résuma à un simple "Hitler refusait de se rendre, il fallait donc aller jusqu'à Berlin". Et c'est là que Ian Kershaw, s'appuyant sur une impressionnante bibliographie aux sources d'une très grande variété, réussit à aller au delà de cette explication simpliste. Il décrit avec précision une population partagée entre soutien, fatalisme et terreur (la peur des rouges comme la peur du régime encore capable de sanctionner durement les "défaitistes) qui a été tellement "prise en main" par le parti depuis 1933 que toute initiative individuelle semble paralysée. Autres arguments avancés, une économie qui réalise des miracles permettant d'approvisionner les soldats jusqu'à l'extrème limite, une hiérarchie militaire trop lache, trop aveugle ou trop abattu par l'échec de l'attentat de 1944 pour s'opposer aux directives de plus en plus folles venues d'en haut.
C'est donc une horreur sans fin qui s'abat sur les populations, horreur pas tout à fait injustifiée lorsqu'on sait que nombreux furent ces mêmes civils qui soutinrent le régime nazi, mais on ne peut s'empêcher de prendre en pitié ces femmes, enfants et vieillards écrasés par la guerre, en fuite continue dans l'hiver 44-45. Car ce livre est aussi le récit d'une très lente agonie qui prend fin définitivement le 8 mai et qui laisse un pays en ruine.
Kershaw réalise une fois de plus le tour de force d'écrire un livre érudit mais agréablement rédigé et qui fera date dans l'historiographie du régime nazi.
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