Fort de sa renommée à l'étranger, Leonardo Padura aurait pu depuis longtemps s'exiler loin de son île de Cuba et s'installer à Madrid ou quelque part sous un soleil méditerranéen. Que nenni, l'écrivain est attaché à son pays de façon viscérale et malgré les conditions de vie précaires et la défiance des autorités qui le "tolèrent", il reste fidèle aux misères et splendeurs de la vie havanaise. En cela, l'ancien flic Mario Conde, son héros depuis plusieurs romans, lui ressemble sans doute sur bien des points. Son portrait s'affine au fil des livres et dans La transparence du temps, le voici quelques semaines avant de fêter son 60ème anniversaire, bien vivant mais angoissé à l'idée d'entrer dans un nouvel âge qui le rapproche de la fin. En attendant, l'ancien limier se voit confier une drôle d'enquête autour du vol d'une Vierge noire dont l'origine est quelque peu mystérieuse. Auteur de romans que l'on peut qualifier de noirs, Padura aime aussi à plonger dans l'Histoire et comme dans Hérétiques, avec la communauté juive, il traverse les siècles dans La transparence du temps, en évoquant la destinée de cette Vierge noire, au temps de la guerre civile en Espagne ou encore des Templiers pendant le siège de Saint-Jean d'Acre, en Terre Sainte. Comme souvent chez Padura, il y a donc un triple plaisir : celui d'un roman policier, certes parfois un peu trop riche et embrouillé, celui de la découverte de faits historiques pas ou mal connus et enfin celui d'un portrait de La Havane et de ses habitants, des zones les plus démunies (avec ses migrants intérieurs) au monde des nantis et des parvenus qui profitent, de façon plus ou moins légale de l'ouverture du pays. La transparence du temps est une véritable fresque, dense, intime, chaleureuse, ironique et dans laquelle l'humour (souvent noir, lui aussi) se marie à merveille avec le goût du rhum et un sens indéfectible de l'amitié, qui sont autant de valeurs essentielles de l'univers de l'écrivain.