D’Agrippa d’Aubigné, on ne retient souvent que Les Tragiques. Mais sa poésie amoureuse vaut la peine d’être découverte, comme les cent poèmes de cette Hécatombe. Il y reprend certes des motifs pétrarquistes, mais l’expression de son amour n’a rien de fade, et souvent n’est que fureur et violence. Son Hécatombe à Diane est à comprendre au sens littéral : le poète, tout juste réchappé des massacres de la Saint-Barthélemy, se livre vraiment en sacrifice à sa Dame. Loin d’être le prétexte à des poèmes mignards, la ion amoureuse avec lui a des odeurs de sang. Quant à la femme qu’il aime, Diane Salviati, elle prend tous les aspects de la divinité dont elle tire son nom, tantôt vierge inaccessible et indifférente à l’amour, tantôt chasseresse implacable poursuivant sa proie, tantôt une Hécate faisant ressentir à son amant les tourments infernaux.
C’est une voix singulière que fait entendre Aubigné. Par un irable hasard, la Diane qu’il célèbre est la nièce de Cassandre, louée par Ronsard. Il s’agit donc aussi de se mesurer à son glorieux prédécesseur et à toute la tradition pétrarquiste. Il use moins de certains topoi et des jeux mythologiques complexes, et refuse la musicalité d’une poésie légère, pour faire le choix d’une poésie complexe, dense, à même d’exprimer sa personnalité tourmentée et sa ion brûlante.