Avec "Une femme aimée" - ma quatrième rencontre avec Andreï Makine -, ce brillant auteur franco-russe à l'érudition non feinte, propose une nouvelle approche de l'historiographie. Grâce à son personnage principal, Oleg, réalisateur vivant en Union soviétique dans ses dernières années - avant la chute du Mur - et son implosion vers un chaos encore plus profond, l'écrivain explore l'histoire du règne de Catherine II la Grande, sans doute l'une des figures tsaristes les plus frappantes, sous un angle nouveau et original.
Le Russe qu'est Andreï Makine à l'origine s'interroge ainsi sur la facilité qu'ont les hommes (et particulièrement les dirigeants russes) à réécrire l'histoire, à créer une mythologie nationale, à construire des légendes héroïques et à tirer parti d'un é politique pas si glorieux qu'on voudrait le faire croire.
La figure de l'impératrice Catherine II occupe presque toute la narration dans cette biographie romancée afin de complaire aux besoins des scénarii qu'Oleg doit se forcer de respecter même si, pour ce faire, il doit triturer la vérité historique sourcée pour la faire rentrer au chausse-pied dans une pellicule cinématographique.
J'ai toujours eu beaucoup de curiosité et d'intérêt pour cette souveraine catégorisée parme les "despotes éclairés" du Siècle des Lumières et je suis aussi curieuse depuis longtemps de l'histoire russe. De ce point de vue, j'ai apprécié ma lecture même si le style de l'auteur m'a parfois perturbée, comme avec "L'ami arménien", mon dernier roman de Makine qui fut hélas une déception.
J'ai surtout apprécié le regard de l'auteur et celui de son narrateur Oleg sur la société russe, sur l'histoire russe ainsi que l'étude de moeurs proposée. "Une femme aimée" est un roman qui surprend sur le fond comme sur la forme et qui se lit vite et bien.