« J’aimais jusqu’à ses pleurs que je faisais couler »
Pièce qui n’eut pas beaucoup de succès à l’époque de sa sortie, mais qui est aujourd’hui reconnue, d’ailleurs à juste titre. Dans Britannicus, on découvre le tableau d’un amour perverti par une folie naissante, la folie de Néron, jeune empereur romain qui, à chaque scène où il apparaît, devient de plus en plus inquiétant. Nous avons ici l’histoire saisissante d’un triangle amoureux où Néron n’est qu’un intrus,
Dysfonctionnement des sentiments chez Néron, c’est un amour malsain qui l’emporte, un amour où il ne voit Junie belle que lorsqu’elle souffre, lorsque qu’elle est arrachée à son sommeil, malmenée par les gardes. Elle souffre, alors il l’aime. Dérangeant. Et pourtant, c’est diablement bien écrit, et les répliques sont impressionnantes. Racine nous effraie en même temps qu’il nous fascine avec ce personnage fou.
Le malheur de Junie et Britannicus est certain, tout comme le sont l’acharnement et l’égoïsme de Néron dont les actes échappent peu à peu à toute tentative de contrôle. Avec Agrippine, on a la figure d’une mère déée et pas si paranoïaque que ça, lorsque l’on découvre les sombres projets de Néron.
Cette tragédie sanglante s’éclaire comme annonciatrice des horreurs commises par Néron, ce poète sanguinaire, et de la folie sourde qui l’a emporté, l’a poussé à faire tuer même sa mère. Car en effet, la pièce est aussi l’illustration d’un conflit de pouvoir entre une mère et son fils.
La volonté d’émancipation qui se manifeste de façon extrême chez Néron, d’où cet acharnement à faire démonstration de son pouvoir, qui fait écho à la volonté de contrôle qui est tout aussi excessive chez Agrippine. De cette façon, Racine nous peint également Néron comme l’image d’un homme qui veut détruire la figure d’une mère dominatrice, qui refuse les calomnies mettant en doute sa toute-puissance.
Le poison, la mort, voilà tout ce qui nous attend à la clé, la mort de Britannicus, prince intègre et aimant, Junie qui ne peut que le suivre dans sa douleur et Néron qui se retrouve seul, plus haïssable que jamais. La dernière réplique, quant à elle, est amère et finalement pleine d’ironie… « Plût aux dieux que ce fût le dernier de ses crimes ! ». Ah, si Agrippine connaissait déjà son destin !