"... et quand on ne peut rien y faire il faut vivre avec."

La nouvelle d'Annie Proulx prouve qu'il n'y a pas besoin de longs développements pour dérouler le fil d'une histoire d'amour.
Les personnages sont décrits avec réalisme, avec une attention portée aux corps qui changent au cours des années. Sans perfection ni laideur absolue. Leurs dialogues sonnent justes et sont bien rendus par la traduction française.
Il me semble que le titre même de "Brokeback mountain", lieu du souvenir idyllique d'un été pourtant consacré à un travail difficile, cristallise deux idées principales : quelque-chose de brisé contenu dans "broke" et l'appel à un retour en arrière dans le temps et l'espace évoqué par "back".
Ce nom se transforme dans l'imaginaire des personnages et de la lectrice ou du lecteur qui suit leur aventure ; d'abord montagne tangible et décor irable mais où les conditions de vie poussent les personnages à des efforts presque impossibles pour limiter au maximum les pertes du troupeau de moutons qu'ils doivent guider ; puis Eden lointain, sans souci et abstrait, un ailleurs rendu inaccessible par la crainte et des choix de vie qui s'y opposent.
Et, finalement, tout se concentre en un seul rêve agréable servant de consolation. Il y a des situations qui rendent le bonheur difficile d'accès et d'autant plus précieux quand il revient de temps en temps. Et quand on ne peut rien y faire, il faut vivre avec.