Straight he walked.

Un livre qui parle de l'injustice, d'abord. Mais surtout de l'humiliation face à la dignité. Comment se considérer soi-même comme un homme lorsque les autres vous traite comme un animal ?
Histoire dans les Etats-Unis des années 40, lorsqu'il y avait encore des lieux distincts pour les noirs et les blancs, où il y a avait encore des notables blancs avec des domestiques noirs, et un comportement pas très éloigné du colon et de son esclave.
Ce livre parle de la soumission au quotidien, et de la complexité dans la transition. Parce que ce monde est en train de changer.

Le narrateur, Grant Wiggins, est allé à l'université, puis est revenu dans la plantation de canne à sucre, pour devenir maître d'école. Il apprend aux jeunes noirs à lire, écrire et compter. Mais il est désabusé. Il sait déjà que son travail ne servira à rien, ces jeunes vont partir, finir en prison ou mourir. Mais rien ne changera dans la communauté Cajun, près de Bayonne. L'ancien maître d'école le lui a déjà bien dit, sur son lit de mort.

Mais Jefferson est en prison, dans le couloir de la mort. Ce qui est déjà terrible (surtout qu'il est innocent), mais qui devient vraiment tragique lorsque sa marraine entend qu'il est appelé porc, un animal sans défense, idiot. Absolument pas un homme.
Miss Emma va donc demander (exiger, en réalité, par la pression de la tante de Grant, Lou, et par toute la communauté qu'il y a derrière) à Grant de faire en sorte que Jefferson aille sur la chaise électrique sur ses deux jambes, droit comme un homme. Et non pas à quatre pattes comme une vulgaire bête.

Grant n'aime pas cette mission. Il veut sa tranquillité, il se sent impuissant, ne croit plus en grand chose, sauf en l'amour qu'il a pour Viviane, avec qui il veut partir loin de tout ce carcan communautaire.
Mais il n'a pas le choix.

Au-delà d'un "simple" roman sur la ségrégation, c'est tout un récit sur la notion d'humanité, le combat pour regagner son amour propre, de la dignité. Malgré le quotidien et les humiliations.

Gaines donne vie à tous ses personnages, et n'est pas spécialement tendre avec eux. Un regard droit, froid comme un calcul, parce que chaque geste, chaque positionnement du corps, chaque vêtement sont autant d'éléments détaillés avec précision, qui s'additionne et donne un résultat en négatif de l'humanité.
Une écriture au millimètre, qui ne fait pas dans des descriptions à rallonge, mais toujours dans des mises en situations qui glacent le sang par la banalité du Mal qu'elles mettent en lumière.
Pourtant ce livre est plein d'espoir, aussi. Et heureusement.

Une belle leçon. D'histoire, d'humanité, de littérature.
10
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le 27 mai 2013

Critique lue 414 fois

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Queenie

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