Entre leurs mains par Ladythat

2016, fête de Beltane. Un jeune couple, Neve et Finnigan, s’apprête à vivre leur première fois. Au cœur de cette nuit emprunte de magie et de surnaturel, une vision de la Banshee effraie les jeunes amants et amène Finnigan chez la vieille Deirdre, qui vit seule dans une maison au-delà de laquelle « s’étendait la tourbière, plate et longue, interminable, nappée de brume de hummocks" . Le décor est posé, l’histoire peut commencer.


Il y avait la flamme d’une bougie qui dansait comme un feu follet, et puis un bras, et puis un visage qui le fixait.

1961. Deirdre a tout juste seize ans quand elle rencontre son premier amour. Élevée dans la rigueur des valeurs chrétiennes, c’est une jeune fille naïve et totalement innocente des choses de l’amour. Quand sa famille la découvre enceinte, elle est envoyée dans un couvent de la Madelaine, institution destinée à la rééducation des jeunes filles considérées perdues ou de mœurs légères. Sur place, elle découvre que ces blanchisseries abritent des jeunes filles pour la plupart victimes des hommes et de leur violence.


C’est ce récit enchâssé qui donne sa force au récit en revenant sur l’un des plus gros scandales de l’Irlande du vingtième siècle, s’inspirant de l’histoire vraie des couvents de la Madeleine. J’avais découvert leur tragique histoire dans le film de Peter Mullan The Magdalene Sisters, Annelise Heurtier leur rend ici un bel hommage dans un texte sensible qui raconte le pire avec pudeur.


Au travers du récit de Deirdre se dessine le portrait de milliers de jeunes femmes irlandaises, condamnées pour avoir été violentées par les hommes ou tout simplement d’être jugées trop jolies. Enfermées dans des couvents contre leur volonté, elles y subirent humiliations et privations abusives quand elles ne se faisaient pas en plus violer par les prêtres. Les conditions de travail y étaient éreintantes et l’internement jugé pire qu’en prison. Elles y mourraient d’épuisement, de faim, du manque de soin… et étaient enterrées sans sépulture dans une fausse commune.


Ce n’étaient pas nos péchés qu’on faisait disparaître ici. C’était notre identité.

Mais ce récit est aussi l’occasion de questionner l’origine de la violence. Chaque chapitre s’ouvre sur un texte en italique, réponses de Deirdre aux divers questions faites par Finnigan hors texte. C’est une manière pertinente de faire avancer la réflexion et de favoriser la prise de conscience de la violence qui l’habite et des conséquences qu’elle pourrait avoir.


Annelise Heurtier confirme avec Entre leurs mains son habileté à écrire des récits historiques qui dénoncent ce que l’homme peut faire de pire. Ce roman, à destination d’un public adolescent, aborde un sujet grave avec une certaine pudeur, l’autrice ne cherchant pas à choquer mais à sensibiliser, et elle y parvient parfaitement !

8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 28 janv. 2025

Critique lue 16 fois

Ladythat

Écrit par

Critique lue 16 fois

Du même critique

Critique de Trouve-moi par Ladythat

Après l’énorme coup de cœur pour le roman Appelle-moi par ton nom, je ne pouvais que lire la suite, même si je m’attendais à une lecture moins enthousiasmante tant le premier se suffisait à lui-même...

Par

le 10 déc. 2020

7 j'aime

Critique de Orgueil et Préjugés - illustré par Margaux Motin par Ladythat

Orgueil et Préjugés fait parti de ces romans que je peux relire sans compter en y prenant toujours autant de plaisir. Un roman qui a plus de 200 ans et qui plait toujours autant par l’intemporalité...

Par

le 27 mars 2020

6 j'aime