Lire Europeana : Une brève histoire du XXe siècle, c'est un peu comme monter dans une centrifugeuse, on se doute -sans être capable de réellement l'imaginer- qu'on va être retourné, harassé par la puissance de l'accélération. Et c'est bien ce que Patrik Ourednik réussit dans ce court "essai", difficilement classable car se détournant de toute norme. Il parachute les concepts et les anecdotes, les traités et les batailles, les prophéties et les inventions, les débats et les nations dans de longues phrases, liés de "et", sans aucune cohérence à première vue.
Mais c'est l'effet recherché, il prouve à travers cette ribambelles de choses si diverses, la folie qu'a été le XXe siècle, ses absurdités, ses avancées scientifiques sociales et politique, nuancées par des années de guerre et de chaos, avec un combat, sans trêve, entre démocratie, communisme et fascisme.
Cette centrifugeuse, outre l’intérêt qu'elle porte en terme historique, se révèle avant tout hilarante car exposant vicissitudes et farandoles d'un œil purement extérieur, comme omniscient. En témoigne les petites didascalies disposées aux abords du corps du texte et simulant une certaine structure ou l'importance de certains points, purement illusoire bien évidemment. On trouve ainsi des phrases telles que :
Et les gens pensaient de plus en plus qu'il fallait protéger les animaux et ils fondaient des associations de défense des animaux et quelquefois ils se déguisaient en ours et en vautour et ils défilaient dans les rues des villes contre les chasseurs et les corridas et les expériences scientifiques sur les animaux et ils disaient que tuer des animaux était inhumain. Certains d'entre eux étaient végétariens et mangeaient de la carotte etc. Les chasseurs disaient qu'ils chassaient pour maintenir les traditions et que les traditions se perdaient et que dans le monde moderne les traditions étaient importantes. Et lorsqu'un chasseur tuait par accident un autre chasseur à la place d'un sanglier les autres chasseurs se cotisaient pour acheter à la veuve une nouvelle machine à laver ou autre chose qui lui pouvait être utile.
Là où l'on se méprendrait à voir un essai grotesque, purement humoristique, Patrik Ourednik nous montre que plus qu'un enchainement effréné de choses en tout genre sur le XXe siècle, son œuvre propose également une réflexion sur le rôle de l'historien et la création des mémoires. Il semble en effet plaider pour une histoire vivante, éloignée des idées rigides et des concepts abracadabrantesque, montrant à travers divers exemples et divers répétitions voulues, que ceux qui généralisent, emprisonnent les faits et les histoires dans de raides théories sont ceux qui, le plus vite, sont balayés, car l'Histoire n'attend pas.