Cet ouvrage de François Bougon se veut synthétique sur l'histoire de Hong Kong, mais il en vient à oublier que l'une des qualités d'un ouvrage d'histoire de ce style est sa capacité, par la description, à évoquer un lieu, des acteurs, des époques, et à les rendre tangible pour ses lecteurs. La mission est à ce niveau un échec.
L'auteur se contente d'esquisser "par accoups", la riche histoire de l'île et de sa péninsule, annexée par les Britanniques au mitan du XIXe siècle, appréciant manifestement les anecdotes mettant aux prises la pègre locale avec les colonisateurs. Ces derniers sont tout du long tournés en dérision, présentés comme des istrateurs hors-sol et maladroits, supposément incapables de connaître et de comprendre la population, laquelle les aurait, du début jusqu'à la fin, tenus dans une sorte de mépris réprobateur, imperméable aux accomplissements britanniques dans le domaine sanitaire et urbanistique par exemple.
C'est bien méconnaître et sous-estimer la tradition impériale d'Albion, ciment de sa domination politique, militaire et istrative, plusieurs siècles durant, sur des territoires aux cultures et aux mécanismes de gouvernement local très variés. C'est aussi appliquer une grille de lecture anachronique aux élites locales chinoises, lesquelles sont présentées comme animées d'un sentiment nationaliste cohérent et organisé dès les guerres de l'opium. Ce qui est peut-être vrai pour les couches supérieures de la société, mais bien inexact pour les masses, peu politisées avant les dernières années des Qing et l'émergence de Sun Yat-sen comme figure fédératrice des aspirations chinoises à un changement radical.
En outre, le style aride et peu inspiré de l'auteur achève de faire de cette lecture un moment bien pénible à mesure que les pages se tournent, et que s'égrènent les portraits (peu pittoresques) de personnages ternes. En comparaison, mon autre lecture récente sur l'histoire de la Chine, Histoire de Shanghai de Marie-Claire Bergère, est un véritable chef-d'œuvre, et une leçon sur la manière dont doit être mené le récit historique d'une ville complexe et bigarée, dont Hong Kong est pourtant un flamboyant exemple.