Celui que j'aurais du lire avant.

Ah, Nothomb, une auteure autant appréciée que écrasée par la critique. Je me demandais quelle était la cause de cette ambivalence, et je crois entrevoir une réponse à mon interrogation avec cet ouvrage.


Le personnage de Prétextat Tach est fascinant. Ignoble et pourri jusqu'à la moelle, mais avec une répartie à faire pâlir le plus coriace des polémiques. Il écrase de ses mains douces, de ses mains d'écrivain ces pauvres journalistes, tous aussi ignorants les uns que les autres. Et moi, lectrice, j'assiste à cette arène verbale avec une délectation qui frise le sadisme. Parfois même le sado-masochisme, lorsque ballottée dans un car et prise de maux de ventre, je lis la description horrifique de la digestion de Tach. J'ai bien cru que j'allais vomir. Si Nothomb est bien douée pour une chose, c'est bien pour prendre au piège son lecteur, en lui faisant regretter sa perversion ainsi que toutes ses hypothèses préconçues.
Je m'exaltais donc devant ce tyran quand elle arriva. Nina, le bouscule de son piédestal... Avec un peu trop d'aisance à mon goût. J'attendais davantage de résistance de la part de Tach, aussi odieux que prétentieux, eh non, il manifeste bien trop vite son intérêt envers cette jeune journaliste ! Une bavure selon moi.
Ensuite, on découvre avec l'enfance de Tach, ce qui détruit le mythe mais permet de le comprendre... Ou du moins, d'y tendre. Si ce age suscite une certaine fascination, il est vite effacé par les échanges plats entre Nina et Prétextat.
En effet, leurs interactions peinent à décoller et suscitent presque l'ennui, je me suis surprise à vouloir lire en diagonale. Je trouvais leurs arguments plats, bourrés de pédanterie et d'auto-suffisance. Certes, Tach se caractérise par sa mauvaise foi, mais elle s'accompagne d'une beauté lexicale assez grandiose qui s'est vraiment amoindrie d'un coup. Peut-être est-ce volontaire, mais pour moi, un tel monstre ne peut s'écrouler d'un coup.
Cependant, un retournement de dernier moment m'a fait hausser le sourcil. Par le pouvoir des flatteries, en prétextant un amour et une grande iration, il parvient à la manipuler.
Pour moi, c'est encore une déception ; deux êtres aussi revêches ne peuvent s'effondrer, se laisser avoir avant tant de facilité. J'y ai vu une faiblesse plutôt qu'une volonté.


Si j'avais commencé à lire Nothomb avec cette ouvrage, sans doute lui aurais-je mis 8, peut-être davantage. Mais ayant lu quatre livres de l'auteure, je me retrouve avec une énorme déception. Parce que c'est du déjà vu ! Prétextat Tach s'est dilué dans ses autres œuvres : on retrouve le côté horrifique de ce personnage avec Textor Texel dans Cosmétique de l'ennemi, sa capacité à pousser à bout les personnes avec Monsieur Bernardin dans Catilinaires et sa laideur à travers Épiphane Otos dans Attentat. Aussi, dans ces ouvrages, on retrouve les ressorts : dialogues corrosifs, confrontations entre personnes et souvenirs... J'y vois là une faille qui peut expliquer l'exaspération de certains lecteurs.
Et ceci me pousse à m'interroger : qu'est-ce qui permet de distingue la patte d'un auteur de ses répétitions ?
Cependant, je ne me base que sur quelques ouvrages et non sa bibliographie entière ; je ne vais donc pas discréditer l'auteure...

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le 11 juil. 2016

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Blackfly

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