Une lecture qui s'étalera sur tout le mois de janvier, pour commencer l'année avec un des totems de mes 19-20 ans.
Faute de pouvoir recopier toutes les citations que je relève dans ma liste "carnets de lecture", je les déposerai ici. Je ne réécrirai pas les nombreuses pages que je marque d'un post-it dans mon édition, mais quelques citations choisies.
Puissent-elles susciter des envies !
"Somme toute, plus on y réfléchit, plus étrange nous paraît notre propre structure intime".
"Et me voilà une fois de plus emportée par le flot tiède, enveloppant, de mes pensées. Je suis trop inepte pour une analyse psychologique qui serait sans doute intéressante. Il semble qu'un corps étranger ait fait fuir momentanément la réalité, ce corps étranger étant d'un matériau grossier, hostile à la pensée. Et ce n'est que si je parviens à protéger celle-ci dans le moment présent que je pourrais écrire."
"J'ai vu quantité de gens - qui furent pour moi, du fait de mes aberrations de malade, des images de couleurs vives, des airs de phonographe - mais je ne voudrais pas faire injure à l'âme humaine, pour laquelle j'éprouve vraiment le plus grand respect."
"Je n'aime pas mes semblables. Je les déteste. Je les ignore. Je les laisse glisser sur moi comme des gouttes de pluie sale. Je ne parviens plus à rassembler cette énergie qui, dès qu'elle aperçoit une de ces petites éponges sèches, flottant à la dérive ou plutôt accrochées au rocher, les encercle, les baigne, les pénètre, les vivifie et finalement les emplit et leur donne une existence. Jadis j'avais un don pour cela, une ion, et c'était ce qui me rendait les réceptions à la fois difficiles et palpitantes. Et maintenant, quand il m'arrive de me réveiller de bonne heure, je me complais surtout dans l'idée d'une entière journée de solitude ; d'une journée tranquille, où n'avoir pas à donner le change ; un peu d'imprimerie, me laisser paisiblement glisser dans les eaux profondes de mes pensées ; naviguer dans le monde souterrain ; et puis refaire le plein de mes citernes, le soir, en lisant Swift".
"Mais il y a en moi un chercheur impatient. Pourquoi la vie n'offrirait-elle pas une découverte ? Quelque chose sur quoi l'on pourrait poser les mains en disant : "c'est ça". Ma dépression vient de ce que je me sens harassée. Je cherche, mais ce n'est pas cela, ce n'est pas cela. Mourrai-je sans l'avoir trouvé ?"
" J'ai réintégré le cocon de ma propre personnalité. Comment adviennent-ils, ces brusques changements d'optique ? Ecrivant, inventant, je mène peut-être une vie exceptionnellement consciente ; elle a pour moi une réalité très intense ; et si je vais prendre le thé chez les Leaf, elle est détruite plus radicalement que cela peut arriver à la vie des autres, parce que ma vie se dit tout bas qu'elle est la vie, la seule. Mais lorsque je pénètre dans un monde complet en soi, ce monde où Walter dit une plaisanterie, je m'aperçois qu'il existe, et qu'il existerait même si je n'existais pas, et cela me désarçonne. Si violentes qu'elles soient, ces impressions s'effacent rapidement, laissant un dépôt d'idées".