Adeline Dieudonné est publiée aux Éditions de L'Iconoclaste, ce qui convient parfaitement à l'univers de l'auteure belge dont La vraie vie a impressionné une palanquée de lecteurs. D'une certaine façon, elle va encore plus loin dans Kérozène, une suite d'histoires ébouriffantes dont l'artificiel point de rencontre (une station-service) n'en fait pas pour autant un roman mais de cela, peu nous chaut en définitive puisqu'il y a dans ces courtes nouvelles de quoi faire se dresser les cheveux sur la tête et jubiler quasi en même temps. Dans ces tranches de vie bien saignantes, Adeline Dieudonné ose tout : du sexe, de la violence, de la déréliction et de la tendresse, quand même. Aucun récit n'est politiquement correct, pas de tabous, et un mélange d'absurde et de sinistre qui fonctionne presque à tous les coups, dynamisé par un style sans fioritures, direct et diablement efficace. Beaucoup d'animaux peuplent les différentes histoires : un dauphin libidineux, un cheval désarçonné, une truie affectueuse. Une sacrée ménagerie qui ne détonne pas dans un monde où les êtres humains révèlent leur part d'animalité. C'est abrasif et choquant, souvent, mais le côté perché de la chose et l'humour sous-jacent rendent la lecture addictive. Soit dit en ant, si l'on et qu'il s'agit bien d'un recueil de nouvelles, il est assez incroyable qu'elles soient toutes d'un niveau aussi homogène dans la qualité, à la fois perturbantes et exaltantes. Qu'importe si le final du livre ne s'avère pas aussi palpitant qu'espéré, au vu de son entame prometteuse. Entre temps, on aura fait le plein des sens dans et en dehors de cette station-service qui est loin de respirer la même quiétude et solitude que celle du célèbre tableau de Hopper.