L'imaginaire littéraire et les fantasmes militaires regorgent d'histoires ou de mythes d'hommes, déserteurs et aventuriers qui disparaissent au cœur d'un monde inconnu devenant libres et rois, sombrant dans la folie ou l'hédonisme sauvage.
Kipling et Conrad s'en sont fait l'écho, et comment ne pas penser à Heart of Darkness et à Apocalypse Now quand on lit L'Adieu au Roi.
Schœndœrffer connait bien ces hommes et ces fantasmes (à commencer par Pierre Guillaume dont les aventures ont inspiré le Crabe Tambour), il a connu avec ses camarades, la caméra à la main, les pires horreurs de la jungle, la bataille la plus terrible de l'Indochine et les camps de concentration vietnamiens.
Il s'est lié d’amitié avec ses frères d'arme, il les a aimés et n'a cessé de leur rendre hommage tout au long de son œuvre et de sa vie.
Si le lien qui unit le narrateur à cet Irlandais devenu Roi d'une tribu de Muruts peut parfois paraître un peu naïf, il y a dans ce roman des pages et des pages fabuleuses, d'une beauté à couper le souffle sur la terrible jungle de Bornéo.
Cette jungle oppressante décrite des dizaines de fois sans jamais se répéter ni lasser, dans laquelle se déroulent aussi bien des combats et des drames atroces que la beauté la plus simple et la plus suave de la vie primitive, comme une frontière ridicule et affreuse entre le Paradis et l'Enfer.
J'avais cru jusqu'à présent que seuls les écrivains japonais, peut être parce qu'ils ne sont pas influencés par la morbidité de la culture chrétienne, étaient capables de décrire l'horreur avec autant de force, de subtilité, de beauté et d'humanité.
Je m'étais trompé.
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