À sept ans, la narratrice emménage avec sa mère dans un nouvel appartement. C’est là que tout se e. Elles vivent seules, enfermées dans un huis clos étouffant, sans regard extérieur pour venir poser des mots sur ce qu’elles traversent. Cette relation, faite de dépendance et de violence latente, va bien au-delà de la simple dysfonction familiale : elle devient un terrain où se mêlent des actes incestueux, non nommés mais profondément inscrits dans le corps et l’esprit de l’enfant. Ce n’est pas une violence qu’on hurle — c’est une violence qui s’installe dans les gestes, dans les silences, dans les regards. Une violence qui se mélange au désir, à l’amour, à la peur. Rien n’est clair, surtout pas pour une enfant. Tout est flou, instinctif, confus, et pourtant ça ronge de l’intérieur.
Peu à peu, quelque chose s’impose à elle : une sensation trouble, comme si le mal venait de plus loin, de plus ancien. L’appartement devient presque vivant, il enferme, il oppresse, comme les murs d’un puits. Elle comprend que ce qu’elle vit, sa mère l’a peut-être vécu aussi. Et sa mère avant elle. Comme une histoire maudite qui se répète, génération après génération, entre femmes, entre mères et filles, dans un mélange de soumission, de rage et de douleur rentrée.
Elle grandit dans ce climat, et quand une amitié naît timidement à l’école, elle ne sait pas comment l’habiter autrement que par ce qu’elle connaît déjà : la dépendance, la peur d’être abandonnée, la confusion entre tendresse et possession. Elle reproduit, malgré elle. Et puis, par éclats, quelque chose se fissure. Des mots apparaissent. La lucidité surgit. Elle commence à voir, vraiment. À nommer ce qu’elle n’avait fait que subir. Et à reconnaître, en elle, ce monstre transmis de femme en femme — et qui maintenant tente de vivre à travers elle aussi.