Si The Exorcist est « le roman le plus terrifiant de tous les temps », ce n’est pas grâce à son style inégal qui sombre régulièrement dans l'imagé lourdingue et l'effet stylistique incongru. Dès le prologue, on peut lire des trucs du genre :
“He […] left a tip of fifty fils on a splintered table the color of sadness.”
Moi, quand les tables sont couleur tristesse, ça me fout la compulsion de les repeindre teinte suicide ; mais comme c’est difficile de me taillader les veines avec les pages de mon epub, on va er à autre chose. Parce que soit le style s’améliore (ou « désempire ») au fil du texte, soit j’y ai développé une tolérance : j’ai fini par le lire sans trop y prêter attention et pouvoir me concentrer sur ce qui intéresse vraiment — l’horreur, bouh !
L’horreur “familiale” et la possession sont pas des thématiques qui me parlent énormément, mais si par « terrifiant » les agents du marketing entendaient « révulsant », eh… on pourrait concéder que le roman marche bien : ça suinte, ça pue, ça sexe (en quelque sorte) – tous les éléments sont là et mixés pour un dérangement maximal. Donc oui, ça marche – enfin, ça choque, quoi… à la première lecture, et puis après on se dit que c'est cheap en fait. Malheureusement, c'est pas juste ça : en conséquence, le personnage de Karras, la crise de foi qu’il traverse, les réflexions sur le Mal et le doute qu’il existe (le plus grand mensonge du Malin, il paraît), tout ça est occulté comme si c'était pas intéressant. En même temps, Karras ne peut en parler avec personne pendant presque tout le roman, et puis le narrateur est trop occupé par son histoire personnelle… et celle de Chris… et la petite enquête de Kinderman… et la petite sous-intrigue Karl Engstrom…
Dans le roman précurseur de Ray Russell auquel W. P. Blatty doit beaucoup, The Case Against Satan (1962), la relation de Gregory Sargent et de l’évêque Crimmings est bien plus réussie et marquante que celle de Karras et Merrin dans The Exorcist (1971). Ça n’aide pas Karras d’être seul, ni le narrateur d’ailleurs qui doit du coup nous filer les explications à sa façon un peu chiante – pour le coup, c'est chiant en contraste avec les duels verbaux avec Pazuzu qui sont quant à eux bien réussis. En plus de ça, Karras se trouve un peu effacé de son propre roman par Chris, la mère de Regan, dont les angoisses en carton (supposées contrebalancer sa personnalité pourrave de star hollywoodienne, je suppose – le age où elle veut s’acheter une nouvelle Ferrari alors que sa fille est dans le mal, il le fallait vraiment) sont extrêmement pénibles à lire.
Résultat, j’ai é plus de temps à m’exaspérer du style et des personnages et du focus (que j'ai trouvé) mal choisi par W. P. Blatty pour son histiore qu’à frissonner de l’horreur qu’il propose – et qui vole pas bien haut, au bout du compte. Non, décidément, je n’ai pas vraiment compris pourquoi un tel succès…