L'insouciance, ce n'est pas vraiment l'état d'esprit du lecteur de ce livre. Nous y suivons quatre parcours : un soldat souffrant de stress post-traumatique après l'Afghanistan, un homme d'affaires dont la judéité refait soudainement surface après une campagne de promotion malheureuse, l'auteure d'un livre unique, femme dudit homme d'affaires et amoureuse dudit soldat, et un conseiller à l'Elysée qui ne cesse de se voir renvoyé à sa négritude.
Le tout est dense, fait pour jeter un pavé dans la mare : campagne de dénigrement sur les réseaux, antisémitisme et racisme, mépris de classe sont à l'honneur. Quant à l'amitié, l'amour, tout ou presque est vu par le prisme de l'opportunisme. On a sa vie à construire, comme un combat à soutenir contre l'adversité.
L'ensemble se lit très bien, même si parfois cela devient un manifeste. Par exemple, Karine Tuil a lu Fanon, c'est indéniable, et elle applique Fanon à la lettre. C'est louable, bien sûr, mais on pourra regretter que le roman se fasse pamphlet, évacuant souvent le naturel au bénéfice de situations signifiantes. Non pas que les situations en questions ne puissent advenir, malheureusement. Mais on a l'impression que certains personnages secondaires ne sont là que pour enfoncer le clou. Karine Tuil adopte dans ce roman la position du moraliste.
Ce n'est pas tellement un problème, sauf que cette position adoptée en continu empêche l'émotion de réellement se déployer, ce qui en ce qui me concerne, aurait eu une force bien supérieure. C'est un peu comme si Karine Tuil retenait les rênes de son récit pour l'empêcher d'aller où bon lui semble. C'est brillant, mais ce n'est pas viscéral.
Malgré cela, l'Insouciance est une belle découverte, j'en remercie mon éclaireur CinephageAiguise, dont voici la critique qui m'a donné envie de chercher ce livre : https://senscritique.sitesdebloques.info/livre/l_insouciance/critique/317533349
Une chose est sûre, ce livre m'aura donné envie d'approfondir, et j'en lirai d'autres de Karine Tuil.