La kallocaïne est un roman dystopique suédois des années 40, court, dense et questionnant, réédité aux Moutons électriques en 2016, il a souvent été comparé au meilleur des mondes ou à 1984.
Sa parution initiale se situe d'ailleurs entre les deux.
Comment une telle pépite a-t-elle pu rester presque inconnue si longtemps en , mystère...
Le narrateur, Léo Kall, scientifique de la ville de chimie n° 4, est un citoyen modèle, inventeur de la kallocaïne, sérum de vérité, permettant à l'Etat Mondial d'accéder au contrôle total de ses camarades-soldats, violant l'intimité et les rêves enfouis.
Travail, contraintes militaires, "fêtes" et "conférences" organisées et étroitement surveillées, laissant peu de temps à la réflexion, rythment la vie des camarades-soldats, cellules interchangeables, en apparence, de ce tout.
Mais la kallokaïne va se révéler à double tranchant, tout le monde n'a-t-il pas quelque chose à cacher, à tout niveau de responsabilité?
Comment faire le tri des citoyens "utiles" dans ces conditions, sachant que la natalité n'est pas au mieux de sa forme, l’œil et l'oreille de la Police scrutant les faits et gestes de chacun jusque dans les chambres à coucher?
Cette faculté de prescience de certains auteurs d'anticipation m'impressionne toujours fortement, que ce soit au sujet de l'eugénisme, de la surveillance des individus au prétexte de protection, de la perte de contrôle en échange d'illusoire "liberté" (individualisme et consommation).
Karin Boye a écrit ce roman pendant la montée du nazisme, mais il est tellement d'actualité en ce triste XXIème siècle où la surveillance des individus est exacerbée et où l'on voudrait nous faire croire que "l'autre" est l'ennemi!