La Vie devant soi est le livre qui m’a fait aimer la lecture. J’avais douze ans quand je l’ai ouvert pour la première fois, un peu par hasard. Je l’ai lu d’une traite, au milieu de la nuit, incapable de le lâcher. Depuis, il est resté mon refuge. Quand je traverse un age à vide, que je me sens loin des livres, il me suffit d’en relire quelques pages pour que le goût de lire revienne, comme un vieux souffle familier.
Le roman se e dans un vieil immeuble de la rue Bisson, à Paris. Au sixième étage, Madame Rosa, ancienne prostituée juive et survivante des camps, s’occupe des enfants de femmes « en activité ». Parmi eux, il y a Momo, un petit garçon d’une dizaine d’années, à la fois débrouillard, drôle et profondément attachant. Entre lui et Madame Rosa, un lien se tisse — fait de tendresse, de pudeur, de survie. Quand la vieille dame commence à décliner, c’est Momo qui prend le relais, avec ses moyens à lui, pour la protéger.
Ce qui me touche tant dans ce livre, c’est la manière dont Romain Gary raconte la misère sans misérabilisme, la mort sans tragédie, la vie sans illusions, mais avec une infinie douceur. En confiant la narration à Momo, avec son langage un peu tordu, ses raisonnements d’enfant et sa lucidité brutale, Gary donne à son récit une humanité bouleversante. Il aborde des sujets graves — la pauvreté, la prostitution, la vieillesse, l’abandon, la drogue — sans jamais sombrer dans la plainte. Il y a de l’humour, de l’innocence, et surtout une dignité immense.