Si l’adolescence e par la douloureuse découverte de l’imperfection de ses parents, le age à l’âge adulte devrait se traduire par l’absolution de ces mêmes parents. J’ai absous papa et maman d’un tas de choses, mais pas de m’avoir caché Roald Dahl. J’aurais tant aimé le dévorer enfant ! Faites lire Roald Dahl à vos gosses, à ceux de vos voisins, à tous les gamins ! Son monde est enchanté, enchanteur et cruel. Le jeune Dahl n’a pas été épargné par la vie. Pilote de la RAF, il est, à deux reprises, gravement blessé. Sur les seize élèves pilotes de sa promotion, treize seront tués. Il survivra et écrira. Son œuvre ne se caractérise pas seulement par son inventivité, mais par sa capacité à créer des personnages enfantins crédibles, qui résonnent, parlent, agissent en enfants. L’ensemble est magnifiquement illustré par Quentin Blake.
Le Bon Gros Géant (BGG) est l’une de ses dernières publications. Vous disposez de quelques semaines pour la découvrir paisiblement, le temps que Spielberg ne sorte sa grosse artillerie. Avant sa lecture, j’ignorais qu’il existât des géants, de vrais géants qui parcourraient le monde, nuitamment, pour dévorer des humains inconscients du péril. Il faudra tout le courage de Sophie, une petite fille, et l’appui de l’armée anglaise pour mettre fin, tout récemment, à la prédation. D’où viennent-ils, nous l’ignorons : « Les géants ne naissent pas : ils apparaissent, et puis c'est tout ! » Voici un court extrait, où Sophie s’étonnait, comme nous tous, de l’inaction ée des gouvernements :
« — Mais si tous ces gens disparaissent chaque nuit, il doit y avoir des plaintes, fit observer Sophie.
— Le monde est grand, répondit le BGG, il existe des centaines de pays et les géants sont malins. Ils font attention de ne pas se carapartir trop souvent dans le même pays. Ils rôdent et maraudent en changeant tout le temps d’endroits.
— Mais même… commença Sophie.
— N’oublie pas, l’interrompit le BGG qu’il y a des hommes de terre qui disparaissent tout le temps et partout, même sans que les géants les avalent. Les hommes de terre s’entre-tuent beaucoup plus vite que les géants ne les dévorent.
— Mais les gens ne se mangent pas les uns les autres, fit observer Sophie.
— Les géants non plus ne se mangent pas entre eux, répliqua le BGG, et en plus, les géants ne se tuent pas les uns les autres. (...) De même les croque-l'Odile ne tuent pas d'autres croque-l'Odile. Et les chats ne tuent pas d'autres chats.
— Ils tuent des souris, fit remarquer Sophie.
— Oui, mais ils ne tuent pas leurs congénères. L'homme de terre est le seul être qui tue son semblable (...) et ils montent dans des aéropalmes pour lancer des bombes sur la tête des autres. Et ils font ça chaque semaine. Les hommes de terre tuent sans arrêt d'autres hommes de terre. »
PS. Les « hommes de terre », c’est nous.