Le Bouffon de la couronne est une excellente surprise dans le paysage de la fantasy française ! Ce premier tome séduit par son originalité, son humour acide et sa profondeur, tout en évitant de sombrer dans les clichés du genre (même si le point de départ peut paraître classique). L’histoire suit Sébrain, jeune homme maladroit et sincère, propulsé malgré lui dans le rôle de bouffon royal. Ce point de départ, à la fois absurde et tragique, donne le ton : derrière les rires forcés et les pirouettes verbales, c’est un univers sombre, cruel, mais fascinant qui se déploie.
Ce qui frappe en premier lieu, c’est la richesse de l’univers... Thibault Lafargue imagine un royaume où la tristesse est religion d’État, et où le rire est presque un acte de résistance. C’est à la fois original sur le plan symbolique et redoutablement efficace dans la mise en tension du récit. L’auteur jongle (comme un bouffon !) entre satire politique, critique sociale et fresque médiévale. Les dialogues sont ciselés, parfois cruels, toujours pertinents. On sent l’influence du travail de scénariste de l'auteur : chaque scène est tendue, dialoguée avec précision, sans lourdeur.
Le personnage principal est un autre point fort du roman. Sébrain, loin du héros classique, est vulnérable, hésitant, souvent déé par les événements – mais c’est justement ce qui le rend si attachant. Il évolue avec finesse tout au long du récit, gagnant en profondeur sans jamais perdre ce mélange de naïveté et de lucidité qui le caractérise. Certains personnages secondaires manquent peut-être un peu d’épaisseur, mais d’autres, comme Jeanny-la-Folle, Catheriniane ou le roi, marquent durablement l’imaginaire.
Le style, enfin, est un vrai plaisir : à la fois fluide, imagé et poétique. L'auteur sait alterner les moments de tension, d’émotion et de dérision (assez rares) avec un bel équilibre.
En résumé, Le Bouffon de la couronne est un roman audacieux, finement écrit et étonnamment mature pour un premier tome ! Une vraie réussite, que je recommande chaudement !