D'abord merci à SanFelice, sans lequel je ne me serais pas plongé au coeur de la vie de la famille Compson et notamment des quatre enfants, Maury/Benjamin, Jason, Quentin et Caddy. Le Bruit et la Fureur, titre faisant référence à Macbeth de Shakespeare, permet à William Faulkner d'étudier cette famille du sud des États-Unis au début du Xxème siècle à travers deux époques différentes et quatre chapitres bien distincts.
L'oeuvre tourne autour d'une famille vivant dans la misère et plus précisément de quatre frères et soeurs, Benjy, un attardé mental, Quentin qui aura des sentiments complexes et d'amour envers sa soeur, Jason, violent et cynique et enfin Caddy, celle autour de qui tout tourne mais qui n'est jamais réellement étudié, si ce n'est par le prisme des maladies, violences et divers sentiments oscillants entre bizarre et dégouts de ses frères. Durant la majeure partie du roman (les trois premiers chapitres), Faulkner nous immerge dans le cerveau des trois frères et on ressent les tares ou maladies de chacun, leur façon de penser et les sentiments qu'ils auront pour leurs proches et le monde dans lequel ils vivent.
Il n'y a pas d'intrigue à proprement parler mais la force du roman est ailleurs et se trouve dans la façon dont Faulkner nous immerge dans la tête de ces gens et au coeur de leurs tourments. L'oeuvre est vraiment sombre, traite de la maladie, des vices humains, des liens familiaux, d'un attachement à certaines racines, de la misère ou encore de l'amour, mais pas l'amour des contes de fées, celui malsain, impossible ou malheureux. La violence se trouve à chaque page, que ce soit dans les cerveaux malades qui nous sont présentés ou dans le monde qui les entoure et Faulkner arrive à vraiment créer une ambiance lourde, sombre et pesante, tout en retranscrivant une sensation d'errance ainsi que la chaleur et la poussière du sud post-guerre de sécession.
Le Bruit et la Fureur bénéficie surtout d'une totale maitrise de la part de son auteur, trouvant toujours le bon rythme et alternant astucieusement entre divers style et schéma narratif. Il puise dans la complexité du cerveau, usant régulièrement de flash-back et n'hésitant pas à proposer une oeuvre paraissant déstructuré pour mieux nous faire comprendre et surtout ressentir les sensations des personnages. Faisant parfois l'effet d'un uppercut en pleine poire, Le Bruit et la fureur ne nous laisse guère de répit et, après tant de violence, mais qui n'est finalement qu'une analyse de l'humain et de la complexité de celui-ci, difficile d'en ressortir indemne mais quelle claque.
Si Le Bruit et la Fureur se révèle être une oeuvre assez complexe, elle n'en reste pas moins totalement immersive et Faulkner nous plonge littéralement dans des cerveaux malades et dans un Sud ayant perdu ses forces, avec brio, puissance, violence et non sans effet.