Je l'avais lu enfant et bien sûr le regard n'est pas le même, mais ce roman séduit toujours par sa simplicité. Cela commence comme un roman du terroir, et si cela devient vite un conte initiatique, on ne quitte jamais vraiment une réalité à peine transformée par un cheval pie et par des personnages d'originaux.
C'est que l'aventure de Gaspard est vue à sa hauteur, ce qui séduit forcément lorsqu'on est enfant, car on imagine qu'on pourrait prendre part à une telle aventure. C'est donc avant tout un grand roman de l'enfance, de son monde merveilleux peuplé de créatures magiques et de croquemitaines, un monde que seuls pourraient partager, parmi les adultes, les artistes, vus comme ceux qui ont gardé la capacité de s'émerveiller.
Pour les autres, ceux qui ont perdu leur enfance, leur nostalgie leur impose de trouver des substituts, ainsi de monsieur Drapeur qui espère vivre sa carrière d'artiste avortée à travers Hélène, et de monsieur Résidore dont la collection de moustache de chats et ses décors de cinéma cherchent à recréer une atmosphère propice.
Ce pays où l'on arrive jamais, c'est donc l'enfance perdue, et la possibilité d'en garder une part en grandissant. Un roman à lire jeune, si possible, mais qu'on peut toujours découvrir adulte, et qui posera alors cette question : a-t-on gardé son âme d'enfant?