Daphné du Maurier nous livre une biographie romancée de ses ancêtres français, vivant dans la région du Mans à la fin du XVIIIe siècle (sous Louis XVI), à la veille de la Révolution française, donc, souffleurs de verre de père en fils, et spécialement de l'aîné des enfants, au tempérament quelque peu aventureux, qui fondera une famille en Angleterre pour fuir ses créanciers et un deuil cruel, ce qui explique que Daphné du Maurier ait un patronyme français. Ces honnêtes gens, paisibles travailleurs et bons gestionnaires, vont assister à l'effondrement de leur monde, et leur qualité de vie lentement se détériorer alors qu'ils vivent l'hiver le plus rigoureux de mémoire d'homme. Ici, ne vous attendez pas à lire un manuel technique pour souffleur de verre : non. L'autrice de Rebecca livre plutôt habilement le quotidien de ces artisans qui ne peuvent plus vivre de leur travail car ils sont écrasés d'impôts pendant que certains stockent le blé pour le revendre à prix d'or quand tout le monde mourra de faim... alors que progressivement la révolte gronde, les privilèges sont abolis, les discussions politiques s'enflamment... On voit défiler Danton et Robespierre avant de basculer inéluctablement dans la Terreur. Il y a des émeutes, la révolte des Vendéens qui pillent les maisons, il faut fuir, se cacher, accoucher seule, perdre un enfant, puis un 2e, puis une épouse, remercier de fidèles ouvriers... Tout cela jusqu'à l'avènement de Napoléon au pouvoir. Avec l'écriture addictive qu'on lui connaît si bien, et malgré quelques longueurs dans la relation de microévénements historiques, l'autrice nous entraîne avec talent dans la Grande Histoire grâce au récit d'une des sœurs du fameux Robert, son aïeul qui a émigré en Angleterre, et nous montre les errements et les contradictions d'une fratrie hors du commun, unie par un savoir-faire ancestral.