La taille (du texte) compte

Si la magie Hazelwood opère toujours sur moi, je dois reconnaître être un peu déçu par cet opus. Ce n’est pas un roman mais un recueil de trois novellas sur trois amies ingénieures, leurs déboires amoureux et professionnels (toujours liés) et leur histoire d’amour torride avec un gars qu’elles détestent à un certain point de l’histoire à cause d’un quiproquo.

Le livre va crescendo. La première novella est fade et assez clichée : cohabitation forcée entre Mara, dont la mentore Helena lui a légué la moitié de sa maison, et Liam, le petit-neveu préféré d’Helena qui possède l’autre moitié, inablement sexy. Elle est écolo, lui travaille pour un groupe style Total ou Vinci... Rien que du très classique. La deuxième est déjà plus intéressante dans sa construction. Elle s’ouvre sur une panne d’ascenseur. Sadie, architecte, s’y retrouve coincée avec Erik, un gros concurrent avec qui elle a délicieusement couché il y a quelques semaines avant de se rendre compte que son groupe avait failli faire couler le petit cabinet indépendant pour lequel elle travaille. Évidemment, ce n’est pas si simple que cela et par flashbacks successifs, on va comprendre que tout ne s’est pas é comme Sadie le pense et que si elle le déteste, lui est fou amoureux. Comme d’habitude, certes. Mais ça fonctionne.

La meilleure histoire est la troisième, car elle casse l’habituel système Hazelwood. Hannah est certes astrophysicienne, mais contrairement aux héroïnes hazelwoodiennes orthodoxes, elle n’a pas peur des hommes, a confiance en son charme, aime séduire et coucher sans lendemain (surtout pas avec lendemain – en gros, c’est le cliché du fuck boy au féminin, ce qui change). C’est d’ailleurs ce qu’il se e avec Ian, un lointain cousin de Mara (l’héroïne de la première novella ; il faut suivre !), ingénieur à la NASA qu’elle interviewe pendant son doctorat. Lui tombe raide dingue, elle e son chemin (peur de l’engagement, tout ça). Il et elle se retrouvent quelques années plus tard à la NASA où Hannah est embauchée, et quand il bloque un projet de recherche d’Hannah, elle est furieuse... Sauf que comme pour la deuxième novella, celle-ci est aussi construite en flashbacks (en analepses), et s’était ouverte sur Hannah, blessée au fond d’une crevasse quelque part dans une montagne norvégienne, prête à accueillir son destin contrarié par Ian à la rescousse. Et on rembobine.

C’est la meilleure car non seulement Hannah varie un peu des psychés habituelles de l’autrice, mais elle est aussi plus développée que ses copines, en autant de pages (100 chacune), et fait le lien avec les autres. Bon. J’aurais préféré trois romans complets. Mais en fait, après avoir travaillé un peu, je vois que le problème vient de la chronologie de traduction : ces trois novellas avaient été publiées en anglais juste après The Love Hypothesis, son premier roman. Elles nous arrivent en bien tardivement. Il est donc normal qu’elles soient plus faibles que d’autres romans plus aboutis que l’on a pu lire depuis. Dont acte. Hazelwood est meilleure dans des formats plus longs, dans lesquels elle peut vraiment écrire ses personnages et construire ses intrigues alambiquées qui font tout le plaisir de la lecture de ses livres. On a un peu l’impression de lire une définition du SMUT : du cul avec une vague intrigue autour. Et les scènes de cul sont réussies. Mais tout ça pour ça ?

5
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le 9 mai 2025

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Antoine Grivel

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