Cowboys et indiens, bétail et bisons, saloons et prostituées, n'en jetez plus, nous sommes dans un western, ce qui est d'autant plus indéniable que celui-ci coche tous les clichés du registre dans lequel il s'inscrit. Mais qui va s'en plaindre ? Certainement pas moi. Surtout que le romancier américain va bien au-delà : il s'en empare.
Si le cinéma n'est pas étranger à la popularisation des clichés en question, la littérature a également sa part de responsabilité. Celle-ci compte ses classiques, au nombre desquels figurent les monuments patrimoniaux de Larry McMurtry, Lonesome Dove en tête. Les deux volumes qui composent ce roman ont rendu son auteur célèbre, voire incontournable dans le genre, et lui ont permis de décrocher le prestigieux prix Pulitzer en 1986. Ils seront plus tard suivis de trois autres opus sur lesquelles je compte bien mettre la main sitôt ce billet publié. Et pour cause, ils m'ont laissé une forte impression doublée d'une envie irrépressible de revenir dans ses grands espaces et d'y retrouver ses personnages charismatiques.
Augustus « Gus » McCrae et Woodrow F. Call sont deux anciens rangers qui ont eu leur heure de gloire il y a bien longtemps. Depuis, sous le soleil de plomb du Texas, fatigués mais paradoxalement inépuisables, ils sont désœuvrés. Plus rien n'a de sens. L'un noie son ennui dans le travail, l'autre dans de longs monologues adressés à ses cochons. Le temps s'étire et ne présente dorénavant plus aucune perspective. Aussi, quand Jake Spoon, comme eux ancien ranger, revient à Lonesome Dove après dix ans d'absence et leur propose de repartir avec lui à l'aventure, ils aperçoivent l'échappatoire qu'ils n'osaient plus espérer. Le projet est de rassembler un troupeau et de le conduire dans le grand nord, en des terres encore à conquérir. Mais, pour Spoon, l'idée derrière ce plan est surtout de prendre le large et de se faire oublier après avoir accidentellement abattu un dentiste en Arkansas...
Accompagnés d'une petite équipe composée d'un ancien pisteur, d'un bandit mexicain, d'un orphelin apprenti cowboy ou encore d'une prostituée qui cherche à échapper à sa condition, nos protagonistes se mettent en route, ignorant alors qu'un sheriff est sur les traces de Spoon et qu'ils vont au devant de sérieuses mésaventures. Il faut dire qu'on ne s'improvise pas convoyeur d'un cheptel de plusieurs milliers de têtes, ce que chacun apprendra à ses dépends et par la manière forte. Confrontés à eux-mêmes, Gus, Call et les autres n'auront finalement que ce qu'ils cherchaient. Ils voulaient sortir de leur confort ? Voir du paysage ? Vivre des aventures ? Les voilà servis. Le lecteur également.
Même si la trame est riche de rencontres improbables - brigands, comanches, ours ou serpents - et de caprices de la nature, l'essentiel du roman repose sur ses personnages. Il peut d'ailleurs être prudent de ne pas trop s'y attacher. Dans cet environnement hostile et en cette période rude, la mort n'est jamais loin. Pour ne rien arranger, les personnages rivalisent de malchance. D'une certaine façon, c'est même la caractéristique principale du livre - et ce à quoi il pourrait se résumer : c'est l'histoire de la poisse. Mais quelle histoire ! Le millier de pages que durera ce voyage offrira non seulement à l'auteur l'occasion de repousser les malchanceux dans leurs derniers retranchements mais également d'imaginer une vaste fresque sur fond de décors grandioses et de revisiter les mythes fondateurs américains, à grands coups de péripéties et de drames. Autant d'épreuves qui rappelleront aux aventuriers que tout a un prix, aussi bien l'amitié, l'amour et la liberté que les bêtes à cornes.
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