Inachevé
Brüno et Fabien Nury sont deux artistes de bande-dessinée que j'apprécie beaucoup, notamment pour les excellents Tyler Cross. Je me suis donc facilement laissé tenter par L'homme qui tua Chris Kyle...
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le 14 déc. 2023
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Étant moi-même fonctionnaire, j'étais honteusement impatient de découvrir ce livre. Imaginez mon amusement de constater que les agents de la fonction publique traînent cette réputation de tire-au-flanc, sous les ordres de chefs zélés, procéduriers et ambitieux, depuis au moins un siècle et demi ! Cette continuité historique dans les clichés istratifs a quelque chose de stupéfiant et de comique à la fois.
Je ne cacherais pas que la lecture de ce livre m'est apparue un peu laborieuse par moment. Courteline ne manque certainement pas de cynisme et de mordant dans sa description de l'univers bureaucratique, mais son style un peu désuet est par moment trop sophistiqué et précieux à mes yeux. Sa prose parfois alambiquée, bien qu'élégante, rend la lecture moins fluide qu'espérée et demande une certaine concentration qui contraste avec l'humour censé jaillir de ces pages.
Pourtant, La Bruyère n'aurait probablement pas dénigré ces "caractères" de bureau si finement observés. On y retrouve en effet toute une galerie de personnalités et de situations qui font remarquablement écho avec celles que nous vivons en 2025 : les vaniteux en manque de reconnaissance et de médailles, les comptables chichiteux courant après le moindre centime, les fainéants rois de l'entourloupe et experts en fausses excuses, les illuminés de service aux idées saugrenues... Tous évoluent sous la coupe de supérieurs hiérarchiques épuisés de gérer les lubies des uns et des autres, jonglant entre directives contradictoires et personnalités incompatibles. L'ensemble est enrobé par un sens de l'intérêt commun et du service public de bon aloi, mais dont les degrés de sincérité varient considérablement selon les protagonistes.
Le personnage du gestionnaire de musée de province est également particulièrement savoureux. Partagé entre son agacement légitime face aux lenteurs istratives et son respect profond des institutions, il incarne parfaitement l'usager moyen du service public : exaspéré mais dépendant, critique mais respectueux du cadre étatique qui structure notre société.
Le format du livre, construit sous forme de tableaux aux enchaînements pas toujours évidents, contribue à cette impression un peu mitigée. L'absence d'une trame narrative continue exige du lecteur une attention soutenue, pas toujours adaptée à un trajet du matin (pour redre une istration donc !).
"Messieurs les ronds-de-cuir" un donc un livre assez réjouissant dans son observation acérée des travers istratifs, bien qu'il sente un peu la naphtaline. Mais après tout, cette patine d'un autre temps participe probablement de son charme et de sa valeur de témoignage historique ! Une œuvre qui mérite qu'on s'y arrête, ne serait-ce que pour nous rappeler que nos frustrations quotidiennes face à l'istration s'inscrivent dans une longue et glorieuse tradition française. Et n'oubliez pas que derrière chaque fonctionnaire, il y a aussi un usager qui pâtit pareillement des dysfonctionnements des autres istrations !
Créée
le 12 mars 2025
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