Souhaitant impressioner l'Europe chrétienne, un Sultan demande à des miniaturistes de faire son portrait selon le style occidental. Une telle commande est toutefois provocatrice, car elle semble remettre en question les codes quasi-millénaires de la miniature ottomane qui ne cherche pas à photographier le réel mais à l'idéaliser en prenant le point de vue du Créateur. Ce portrait est donc réalisé en secret par l'atelier du Sultan, un lieu où les intrigues et les rivalités entre ses brillants peintres vont se multiplier au fil du roman.
Dans "Mon nom est rouge", Orhan Pamuk nous livre tout d'abord une merveilleuse réflexion sur les secrets de l'art ottoman. Certains chapitres peuvent se lire comme un essai sur les règles subtiles de la miniature ottomane, une peinture qui "fait voir ce que notre âme, et non notre oeil, doit s'attacher à contempler".
Orhan Pamuk nous offre également une incroyable plongée dans l'Empire Ottoman du XVI° siècle, un Empire profondément bouleversé par sa rencontre et sa rivalité avec l'Occident. A travers ce "détail" romanesque de l'Histoire, l'écrivain turque met le doigt sur la complexité de la société turque contemporaine, tiraillée entre ses traditions originelles et son aspiration à imiter le modèle occidental.
Au delà de ces thèmes qui pourraient paraître bien graves et pesants, "Mon nom est rouge" est un roman palpitant où se mêlent intrigues policières et histoires d'amour. Incontestablement l'un des meilleurs romans du prix Nobel de littérature, avec "Neige".