"Tout ce qui peut aller mal ira mal"

Première loi de Murphy.


C'est sur cette citation que le récit insouciant de New York Odyssée s'ouvre et que nous, lecteurs et lectrices, sommes guidé(e)s vers une trame "grandiose" et "terrible". Très directement, je dirais que l'histoire, le scénario, le petit descriptif sur la quatrième de couverture là, n'est vraiment pas ce qui rend le plus justice au livre.


La vraie force du récit, c'est ses personnages et surtout comment Kristopher Jansma les a écrit. Quatre -cinq- ami.es de lycée qui rejoignent ensemble la grande ville, pour rêver de vivre et vivre leurs rêves, se retrouveront rapidement confronté.es à l'imprévu. Quatre (cinq) profils, parmi lesquels on peut s'identifier sans problème. Mais lorsque Irène apprend sa maladie, les autres apprennent leur vulnérabilité.


Scénaristiquement, on se lance dans quelque chose de très inégal : si la première partie du roman n'est que jeunesse et insouciante (et très agréable à lire), il ne s'y e finalement pas grand chose à part une longue caractérisation de chacun.e et des rapports qu'ils entretiennent entre-eux. La deuxième partie révèle quant à elle un récit plus complexe et humain, puisqu'il sera question de deuil. Deux parties aux antipodes donc, une écriture structurée (à première vue) assez basique. Ce n'est en rien un livre réconfortant (même si l'on rit parfois), ce n'est en rien une réponse proposée au deuil. On s'ennuierait même profondément si l'auteur n'avait pas porté une vraie attention aux émotions et aux psychologies si différentes chez ses personnages.


Car je n'ai pas aimé lire cette histoire. J'ai adoré fréquenter ses personnages, arpenter cette ville immense et infinie, j'ai rigolé au sarcasme de Jacob, j'ai levé les yeux au ciel face à l'égocentrisme de William. J'ai souri comme Irène, j'ai pleuré comme Georges, j'ai angoissée comme Sara. (Mais vraiment, je tiens à dire que je hais William et tout ce qui le concerne).


Le prologue, bien que légèrement reprit plus tard dans le récit, est à mes yeux l'un des ages clés du roman, ce qui est curieux puisqu'il s'agit par définition du tout-tout début. Mais il y a quelque chose de dramatiquement sublime dans ces premières lignes, quelque chose qui nous fait nous sentir écrasé.e, minuscule, comme déjà mort(e) dans une ville qui te bouffe par son immensité. Mais, on est envieux.se, on veut y aller ; en fait, on y est déjà.


Il y a aussi une écriture, une esthétique de la ville vraiment remarquable. Why we came to the city / New York Odyssée, il était évident que la ville soit le personnage principale, finalement. Par ailleurs, il y a pas mal de "name-dropping" concernant les lieux, on peut trouver ça lourd, j'ai personnellement trouvé ça immersif et suffisant. Cette écriture urbaine est d'autant plus sublime qu'elle est en drastique opposition aux espaces intimes des personnages auxquels nous avons constamment accès (je pense notamment à cette trentaine de pages salvatrices concernant Jacob et Ella) : cette jungle qui ne dort jamais, où la solitude n'existe pas, où tout est vu, su et discuté.


En sommes : New York Odyssée est une superbe épopée urbaine que l'on regretterait de lire en prose plutôt qu'en vers. C'est un récit moderne, fluide, inégal, une narration contemporaine de laquelle se détache parfois des brins de poésie. C'est une grande carcasse sarcastique, cynique, criblée de galeries qui se croisent et s'entrecroisent, un peu comme les rues new-yorkaises dans lesquelles il est si bon de se perdre.

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le 12 mars 2022

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cforcarlitta

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