Rien d'exceptionnel dans ces pièces en un acte auxquelles Tchekhov disait ne pas attacher grande importance, ce qui est probablement vrai - du moins en partie ; en effet, il avait à ménager quelques susceptibilités lorsqu'il faisait publier l'une d'entre elles par tel collaborateur plutôt que par tel autre. Reste qu'on sent bien qu'elles n'ont pas compté pour lui comme ce fut le cas pour sa tétralogie, loin de là.
André Marcowicz et Françoise Morvan, les traducteurs, on fait le choix de ne pas présenter dans le recueil les nouvelles qui ont inspiré une partie des pièces, craignant qu’elles révèlent la faiblesse des premières, à la lumière des secondes. Seules exceptions : la nouvelle La nuit avant le procès, publiée ici pour la bonne raison que la pièce ne fut jamais achevée et que la comparaison ne peut aller jusqu’au bout. C'est fort dommage, car voilà qui aurait tout de même permis aux lecteurs de suivre le cheminement littéraire de Tchekhov. Il nous faut donc vaquer ça et là de nous-mêmes si nous tenons à remonter aux origines.
Neuf pièces, donc. Trois "études dramatiques" et six "farces", qui, elles, relèvent en fait du vaudeville, et qu'on a donc agrémentées en fi de recueil d'une nouvelle et d'une pièce inachevée. Ces pièces ne sont pratiquement jouées qu'en Russie, et certaines des farces, notamment L'ours, valurent un succès énorme à Tchekhov de son vivant. En , elles sont plutôt montées par des troupes amateures ou de toutes petites troupes professionnelles.
Les deux premières études dramatiques donnent le ton : c'est terriblement mélodramatique, particulièrement Sur la grand-route, qui tourne presque au grotesque à force de manque de finesse. Tatiana Répina, en revanche, vaut le détour pour son comique qui rend très bien l'ennui que peuvent subir les participants à une messe à laquelle ils ne comprennent goutte, car psalmodiée en vieux slavon, et interrompue par une fin des plus tragiques.
Je ne m’attarderai guère plus sur les farces. Pour la plupart, et même si je ne les juge pas excellentes, la simple lecture ne semble pas leur rendre justice, puisqu'une Babeliote connue pour sa longue et avisée pratique du théâtre m'a dit avoir beaucoup ri en voyant L'ours et La demande en mariage, alors que je n'étais pas plus convaincue que ça sur papier. Je m'en remets donc à son jugement - on sait que le vaudeville perd facilement de sa verve à la lecture. Cela dit, je n'ai pas boudé mon plaisir avec Les méfaits du tabac, monologue d'un homme convié à tenir une conférence qui tourne au délire, puisqu'il va glisser peu à peu vers un règlement de comptes public avec sa femme. Les esprits chagrins trouveront sans doute que cette petite pièce, de mon point de vue ma foi assez comique, manque de finesse. Qu'ils aillent donc pleurnicher dans les tavernes mal famées où les boyards avinés attendent en vain le retour de leur femme !