Avec "Rendez-vous aux enfers", la saga des "Grandes familles" de Maurice Druon s'achève sur une note amère qui se veut sublime. L'écrivain parachève sa grande oeuvre de jeunesse (le premier des trois tomes a été publié l'année de ses trente ans et a reçu le prix Goncourt) par une apothéose. Commencée au lendemain de la Première Guerre mondiale, la saga des "Grandes familles" se termine sur l'ouverture de la Seconde, promettant à ses personnages perturbés et bousculés un avenir non moins sombre.
Ce troisième tome a moins évoqué en moi la littérature de Zola que celle de Thomas Mann avec plusieurs chapitres consacrés à Venise qui résonnent comme un hommage à sa "Mort à Venise". C'est un troisième volet dans lequel sont explorés les thèmes de l'homosexualité masculine, du dilettantisme, de l'esthétisme, de la coterie, de l'hypocrite "bonne société de la finance et de la rente", des rapports corrompus entre pairs. Un peu moins politique que le tome précédent, "Rendez-vous aux enfers" approfondit l'approche psychologique et émotionnelle de la vie avec une pointe de mysticisme et une bonne dose de réalisme propre à égratigner la société bourgeoise de l'entre-deux-guerres.
D'un point de vue narratif, Maurice Druon s'attache aux destinées de Marie-Ange et Jean-Noël Schoudler, deux orphelins oisifs promis à une vie d'aise mais ruinés par les spéculations familiales. Deux êtres très jeunes, très beaux, très naïfs et très inexpérimentés, objets de tous les chantages, influences, tromperies et pervers-narcissiques.
La fresque brossée est vraiment haute en couleurs et justifie pleinement son titre par le parfum de stupre et de souffre qui l'environne. La lecture est aisée grâce au style vraiment brillant de l'auteur. Un voyage littéraire que je n'ai pas regretté d'avoir entrepris et mené à son terme.