Sorcières, sages-femmes et infirmières par Lolaurette

Du 14e siècle à 1973, cet essai dépeint la place de la femme dans le domaine médicale, depuis la chasse aux sorcières jusqu'aux universités de médecine réservées aux femmes.


Ces deux écrivaines et militantes féministes expliquent l'existence de deux catégories de médecins, ceux qui apprennent la médecine de façon officielle et ceux qui la pratiquent à partir d'un savoir plus empirique et de façon officieuse.

A notre époque (21e siècle), au vue de l'avancée du savoir médical, je ne pourrais pas argumenter en faveur d'une équivalence en termes de savoir ni d'efficacité thérapeutique entre ces deux catégories de soignants. J'ai même croisé des patients qui ont laissé leur maladie s'aggraver car ils étaient persuadés que l'homéopathie ou l'apposition des mains pouvaient les guérir. La médecine douce n'est pas sans bienfait, mais ses limites doivent être claires pour qui s'y intéresse.

Cependant, à l'époque où les médecins "réguliers" rédigeaient sur les quatre humeurs et vantaient les effets des saignées itératives, il est très probable que les médecins officieux, apparemment à large prédominance féminine et souvent accusés de sorcellerie, étaient bien plus efficaces avec leur pommades et potions à base de plantes qui se rapprochent plus de la pharmacopée actuelle. Cela ne peut que nous inciter à toujours critiquer la fiabilité et les limites de nos connaissances, sans leur accorder une foi disproportionnée.


Il est intéressant de souligner ici que les femmes ont pendant une longue période été les soignantes principales du peuple, qu'elles soient guérisseuses, sorcières ou sages-femmes, et reconnues par celui-ci comme tel. Cela avant que ce rôle leur soit arraché par une classe sociale dominante qui ne pouvait accepter qu'une personne non instruite puisse exercer ainsi un savoir qui devenait si prestigieux. Et surtout qui refusait qu'une femme puisse s'émanciper à travers ce rôle : "nommer sorcière celle qui revendique l'accès aux ressources naturelles, celle dont la survie ne dépend pas d'un mari, d'un père ou d'un frère, celle qui ne se reproduit pas, celle qui soigne, celle qui sait ce que les a-utres ne savent pas ou encore celle qui s'instruit, pense, vit et agit autrement, c'est vouloir activement éliminer les différences, tout signes d'insoumission et tout potentiel de révolte."

C'est une des idées principales de cet essai qui doit être retenue : notre place actuelle dans la société en tant que femme n'est pas d'évolution linéaire ni en constante amélioration comme on essaie parfois de nous le faire croire pour nous satisfaire. C'est une série de hauts et de bas, c'est une place déjà acquise dans le é puis perdue à nouveau et c'est à ne jamais oublier : notre situation actuelle n'est pas définitivement assurée et nous pouvons à chaque instant perdre ce que nous avons gagné.

"Le féminisme souffre d'une méconnaissance chronique de sa propre généalogie. Il ignore ses langages, oublie ses sources, efface ses voix, perd ses textes et ne possède pas la clé de ses propres archives. [...] l'histoire est écrit du point de vue des vainqueurs. C'est pourquoi l'esprit du féminisme est amnésique."


C'est curieux de lire un essai qui décrit au présent la société telle qu'elle était cinquante ans plus tôt. A l'époque, presque pas de femme autorisée à poursuivre des études de médecine. Actuellement, les facultés (françaises en tout cas), sont remplies d'élèves à prédominance féminine. Bien sûr, il reste bien des combats à mener et des spécialités (chirurgicales surtout) plus difficiles d'accès pour les femmes, mais l'hôpital change progressivement de visage à force que le ratio se renverse.


Jusqu'au début du 19e siècle, une infirmière est celle qui apporte des soins à ses proches ou aux personnes en fin de vie que les hôpitaux accueillaient. En Angleterre, c'est après la guerre de Crimée et aux Etats-Unis après la guerre de Sécession que les premières écoles d'infirmières font leur apparition. Leur rôle est estimé réducteur par les autrices car en miroir de celui attendu d'une femme au foyer. Par ailleurs le travail est trop pénible et rapidement délaissé par la classe sociale dominante. De nos jours, bien que les rôles d'infirmière, d'aide-soignante et d'agent des services hospitaliers aient été théoriquement séparés, les conditions de travail à l'hôpital se détériorent du fait d'un manque terrible de ressources et de personnel et je ne suis pas persuadée qu'on puisse parler d'amélioration par rapport à ce qui est décrit dans cet essai.


Il est toujours très vrai que les métiers de médecin et d'infirmière sont indissociables et que ce n'est qu'ensemble que le soin est possible.


J'ai beaucoup apprécié ce livre, bien que j'en ressente les limites dues au simple fait que les autrices ne travaillent pas dans le domaine médical. Je reste persuadée qu'il est impossible d'en comprendre toutes les subtilités quand on ne nage pas dedans. Et cela me fait me poser la question suivante : est-ce que je lis d'un œil suffisamment critique les essais portant sur les sujets dont je ne connais pas aussi bien les ficelles ? La réponse est forcément non.

Pense-bête pour moi : penser à être critique !

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le 19 janv. 2025

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Lolaurette

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