Voilà longtemps que je m'en voulais de n'avoir pas pris le temps de lire les 600 pages du Kahneman. C'est pourtant certainement moins un choc aujourd'hui qu'à sa sortie, tant ses travaux alimentent le moindre article de psychologie cognitive. L'ensemble est tout de même une formidable plongée dans une vie d'expérimentations psychologiques et une incroyable tentative de comprendre nos incohérences, le tout avec une grande humilité. Bref, on y apprend plus grand chose, mais l'ensemble ouvre une perspective sur nos limites - et notre incapacité à nous en extraire, brillante. On ne regarde ni les autres ni soi-même de la même façon.
Finalement, Kahneman apporte une bien meilleure réponse que François Jullien sur notre incapacité à saisir le temps qui e en distinguant expérience et mémoire et soulignant combien nous sommes étrangers à nos propres expériences. "Nous pensons que la durée est importante, mais notre mémoire nous dit le contraire." Nous construisons en permanence notre propre cohérence, à la fois d'une manière intuitive et émotionnelle, sur l'instant et souvent dans l'erreur... et également par l'analyse et la réinterprétation logique... mais elle aussi sensible à l'erreur. Notre humanité, c'est notre capacité à nous tromper. Errare ergo sum.