Est-il possible de faire cohabiter dans un même roman le drame du handicap et le feel-good d'une romance ? Je n'ai pas la réponse, je sais seulement que Karine Lambert, qui se prête à l'exercice avec "Toutes les couleurs de la nuit", m'a convaincue que ce talent n'était pas donné à tout le monde.
Vincent est un jeune prof de tennis dynamique à qui son ophtalmologue annonce brutalement qu'il perdra définitivement la vue dans le mois à venir. Ceci n'est pas un spoil, c'est le pitch.
Je ne sais pas pour vous mais pour moi la cécité est le handicap sensoriel qui me fiche le plus la trouille. Vivre dans le noir, devenir dépendant d'un chien-guide, d'une canne, de poignées et barres diverses et surtout de tiers est inimaginable. J'en tremble rien qu'en y pensant. Et le fait de surdévelopper ses autres sens est une bien mince consolation à mes yeux, sans mauvais jeu de mots. A l'instar de Vincent, dans une telle situation, je sombrerais dans le désespoir le plus noir. Et puis, ce type d'épreuve fait semble-t-il très vite de la place autour de vous : cont, amis, parents, collègues... C'est vous qui ne voyez plus mais ce sont eux qui ne vous voient plus du même œil.
Je pense que ce roman avait un beau potentiel pour marquer les esprits : sujet sensible et douloureux, twist complet en termes de vie quotidienne, attentes, espérances, relations, ambitions, sans compter le rapport à la différence de notre société et les difficultés à accepter le handicap pour s'adapter à un nouveau soi. Alors, pourquoi ça ne l'a pas fait ? La réponse en un mot : romance.
Pourquoi avoir à tout prix voulu atténuer le drame par une histoire d'amour prévisible et convenue ? Ce mélange des genres n'a pas du tout pris en ce qui me concerne et le récit est rapidement devenu mièvre et indigeste. Pourtant dans le drame, il peut y avoir de très belles fulgurances et des moments solaires, comme l'atteste, par exemple, le succès au cinéma du film "Intouchables".
Les personnages, principaux ou secondaires, manquent hélas cruellement d'épaisseur et de charisme, et leurs réactions se devinent hélas très facilement. "Toutes les couleurs de la nuit" est un bel exemple d'un drame qui tombe complètement à plat.