Il ne faut pas chercher dans Un hamster à l'école une description organisée, une critique hyper-raisonnée et planifiée du système de l'éducation nationale, même si, de la critique, il y en a. Ce qui fait son intérêt, c'est le regard particulier de cette enseignante-là, le biais de l'expérience individuelle, qui cherche à garder sur les choses quelque-chose d'aigu, de spontané, et d'éveillé. C'est une expérience critique mais poétique aussi. C'est le métier de prof vu plutôt par le petit bout de la lorgnette, une lorgnette avec un regard intranquille, un peu farceur. J'ai trouvé ce livre plutôt assez drôle dans sa forme, ce à quoi je ne m'attendais pas forcément. Nathalie Quitane donne de sa profession une image très artisanale, empirique, et j'ai adoré les coq-à-l'âne des élèves, la logique miraculeuse qu'on peut trouver finalement dans des déroulements de cours pourtant chaotiques à première vue, ce côté très vivant du livre, qui ne raconte aucun exploit pédagogique et ne se prévaut d'aucune forme d'héroïsme didactique. Même l'agrégation y est présentée comme une expérience ras-les-pâquerettes, sans prétention aucune.
J'aime bien le ton employé avec ce choix de ne pas aligner les lignes de son texte non pas forcément pour en faire un grand poème (même si la poésie est là) mais plutôt peut-être pour montrer qu'elle n'est pas alignée justement elle-même sur les autres: elle choisit l'irrégularité, car pour elle ce dont il faut se méfier dans ce système de l'éducation nationale c'est sa tendance à se figer, à assigner des cases aux gens, à perdre toute capacité de révolte par amour de la tranquillité, par désir de calme. Il y a une sorte de méfiance par rapport à ses collègues, souvent qualifiés de petits-bourgeois figés, une méfiance aussi par rapport aux cadres istratifs, aux logiques managériales, de bon sens. Je ne partage pas tous ses points de vues, je ne vois pas trop pourquoi la notion de compétence serait si affreuse par exemple... Parfois elle m'a semblé jouer aux ingénues qui ne comprennent pas tout alors que cette naïveté feinte vise surtout à critiquer les petits pouvoirs hiérarchiques en place. Je pense aussi qu'elle a parfois beau jeu de critiquer le conservatisme des collègues alors que sa réflexion pédagogique a elle même un côté un peu réac, dans son genre ( sa posture est assez méfiante par principe par rapport à ce qui est présenté comme nouveau)
Pour Nathalie Quintane, savoir s'insurger serait sans doute la compétence qui manquerait le plus au corps enseignant et je pense qu'on peut trouver dans ce message quelque-chose d'important: ce livre qui s'afflige de notre dépolitisation a un côté poil à gratter qui m'a plu, et c'est là bien le rôle de la parole d'une prof-poète d'aujourd'hui, nous inciter à être plus réveillés par rapport aux problématiques sociales, nous qui sommes au cœur de la société d'aujourd'hui et de la formation de celle de demain.
Et ce que j'ai préféré, c'est qu'enseigner comme Nathalie Quitane c'est une façon d'être vivante et d'être présente aux autres. Pour une fois aussi qu'une autrice importante ne présente pas l'enseignement comme quelque-chose de déshonorant, mais au contraire comme quelque-chose dont elle fait matière à littérature, on peut en être contents. (Parce que j'ai souvent l'impression que beaucoup d'écrivains éprouvent une sorte de répulsion un peu snob vis-à-vis des petits tâcherons médiocres que seraient les profs de français. Grumph.)