La mode est, paraît-il, aux "prequels", dans l'univers des séries TV US. On peut s'en désoler et trouver qu'il s'agit là d'un palliatif à un manque d'inspiration de la part des scénaristes. Ou bien, on peut constater que cette tendance a déjà donné lieu à deux excellentes productions—quoique l'une et l'autre soient encore trop méconnues—"Bates Motel" et "Hannibal", donc.
Comme l'indique le titre, la série est centrée sur la vie du docteur Hannibal Lecter, avant Le Silence des Agneaux.
Or, l'originalité vient ici de cet Hannibal Lecter à mille lieux de celui qu'incarnait avec brio Anthony Hopkins en 1991.
Là où son personnage était à mi-chemin entre l'authentique psychopathe aux rictus glaçants et le tueur clownesque aux répartis parfois si prévisibles qu'elles en devenaient convenues, celui qu'incarne Mads Mikkelsen est en tous points plus travaillé, plus fouillé psychologiquement (ennemis de la psychanalyse s'abstenir, on joue beaucoup, ici, avec les concepts), et, donc, plus intéressant. On ne se lasse donc pas de voir le soin que les réalisateurs ont apporté dans la mise en scène du monstre, qui se dévoile peu à peu. Tout ici suggère l'horreur, mais une horreur sciemment orchestrée, maitrisée dans ses moindres détails, jusque dans les nuances de noir et blanc qui régulièrement viennent rappelé la latence du mal. Cet Hannibal est un monstrueux psychopathe sans aucune exubérance et il est difficile de se lasser des scènes de cuisine/repas où c'est avec minutie qu'il prépare les restes de ses victimes et les présente à ses convives—enquêteurs, proches—comme des plats de haute gastronomie…française (!), mêlant à cette occasion le summum du raffinement et les tréfonds de l'horreur que le spectateur est le seul—et c'est, ici encore, un des points intéressants de la série—à entrevoir.
Sans entrer plus amplement dans l'intrigue, on notera que le véritable jeu sur le trouble de l'identité auquel se livre Hannibal avec son patient (par ailleurs enquêteur) Will Graham fait également tout l'intérêt de la narration.
Évidemment, on pourra reprocher à la série un dénouement plus que prévisible; pourtant, cela n'enlève rien à l'intérêt que l'on peut porter à la mise en scène de cette lente mécanique du mal qui se referme sur Will sans que nul—hors le spectateur, encore une fois—n'ait rien vu venir.
Plus embêtant en revanche est la mise en mouvement de la narration, assez laborieuse: il faut er le cap des 6 premiers épisodes pour qu'enfin les connexions s'établissent et que l'on comprenne la génialité de la série. Mais 6 épisodes, cela reste long, et il est bien difficile, dans un premier temps, d'échapper à l'impression d'avoir affaire à une énième version de NCIS/CSI/toute-autre-série-avec-des-policiers-des-scientifiques-et-plein-de-gants-et-d'éprouvettes, simplement matinée de références cinématographiques.
Une fois cette impression désagréable ée, on peut s'acheminer vers le grandiose et vers la confrontation finale qui est une authentique réécriture de la première scène du Silence des Agneaux.
Renouvelée pour une deuxième saison, il n'y qu'à espérer que, malgré de mauvaises audiences (cette série aurait eu sa place sur le câble américain—pas sur une chaîne mainstream dont 80% des productions sont de piètre qualité!) la série ne devienne pas un projet avorté.
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