Dans le paysage sériel contemporain, Hemlock Grove (Netflix, 2013) s’inscrit comme une œuvre singulière, à la croisée des genres fantastique, gothique et horrifique. Si sa proposition initiale intrigue et suscite la curiosité, sa concrétisation s'avère malheureusement décevante. C’est en ce sens que je lui attribue la note de 4/10 : un potentiel indéniable, mais largement entaché par une exécution narrative et dramaturgique défaillante.
D’un point de vue visuel, Hemlock Grove impressionne dès les premières minutes. La photographie, les décors brumeux et l’ambiance pesante construisent un univers visuellement cohérent et immersif. La série déploie une atmosphère gothique travaillée, parfois saisissante, qui n’est pas sans rappeler les codes des classiques du genre. Cependant, cette richesse esthétique ne parvient pas à masquer les failles structurelles du récit. L’univers, bien qu’intrigant, demeure flou, voire hermétique, et peine à établir des fondations solides sur lesquelles le spectateur pourrait s’appuyer.
L’un des principaux écueils de la série réside dans sa construction narrative. L’intrigue, morcelée et souvent décousue, manque de clarté et de cohérence. Les fils conducteurs semblent se multiplier sans réelle hiérarchisation, ce qui nuit à la progression dramatique. La série accumule les mystères, mais rarement avec la rigueur nécessaire pour en maintenir l’intérêt. Dès lors, l’attention du spectateur est mise à rude épreuve, non pas en raison d’une complexité stimulante, mais plutôt à cause d’une dispersion narrative mal maîtrisée.
Le duo formé par Roman et Peter constitue l’un des rares pôles d’intérêt narratif. Le contraste entre leurs origines, leurs psychologies et leurs motivations crée une tension dramatique qui, malheureusement, demeure peu exploitée. Si l’intention de doter les personnages d’une profondeur existentielle est palpable, elle se heurte à des dialogues trop souvent artificiels et à des arcs narratifs inaboutis. Quant aux personnages secondaires, ils peinent à exister au-delà de leur fonction dans l’intrigue, ce qui appauvrit le tissu relationnel de l’ensemble.
Il serait injuste de nier à Hemlock Grove certaines qualités formelles et un parti pris artistique audacieux. Certaines séquences marquent par leur intensité visuelle ou leur étrangeté assumée. Toutefois, la série se regarde plus qu’elle ne se vit : elle privilégie l’apparence au détriment du fond. À trop vouloir jouer sur la suggestion, elle en oublie parfois la nécessité d’une narration claire et engageante.
En somme, Hemlock Grove représente un cas d’école d’une œuvre ambitieuse dans ses intentions, mais inégale dans son exécution. Malgré un univers visuellement abouti et des thématiques potentiellement riches — l’altérité, la monstruosité, la filiation —, la série échoue à en tirer une cohérence dramaturgique solide. Elle pourrait séduire un public réceptif à l’expérimental et au symbolisme, mais laisse globalement une impression d’inachèvement. Une expérience frustrante, à l’image d’un mythe qui ne parvient jamais à pleinement éclore.