On pourrait se dire qu’elle tire le trait, qu’elle étale juste la question assommante de “je t’aime encore ou pas, et toi ?”. Pas du tout. Les personnages se le demandent, la série offre infiniment plus. Et c’est précisément là qu’elle est brillante.
Parce qu’on le veuille ou non, ce que ces personnages ont d’agaçant, c’est ce que beaucoup de gens ont d’agaçant, dans la vraie vie, lorsqu’il est question d’amour : la confondre avec l’attachement.
Et la série ne se limite à aucune relation ni à aucun contexte : amis, parents ou enfants, couples ou amants ; hétéros ou gays ; début, milieu, fin ou deuils… la matière explorée est riche.
Elle a le mérite, somme toute assez rare pour être souligné (voire surligné) de proposer aux deux générations qui se télescopent dans cette série comme dans la vraie vie, de mieux se comprendre l’une et l’autre, et de remarquer qu’elles sont toutes les deux à côté de la plaque chacune à leur manière. Et peut-être de se réconcilier, pour mieux s’aimer. Parce qu’on est logés à la même enseigne. Ce qui nous différencie, c’est notre manière d’échouer lorsqu’il s’agit de gérer notre fragile économie affective et relationnelle.
La série attaque de façon systématique et par tous les angles le piège de l’attachement – cet imposteur de l’amour, infiltré par l’égo, l’égoïsme, l’égocentrisme, nourri par nos peurs et nos lâchetés, qu’elles soient petites et quotidiennes, ou de véritables bâtons de dynamite biographique. Mais qui dans tous les cas, sclérosent nos relations. Soit à petit feu, soit à coup d’explosif, et souvent les deux.
Elle questionne notre façon de mesurer la valeur de nos relations par la quantité, et le biais du temps et de l’effort investi, plutôt que par sa qualité et son authenticité. Mesurer oui, au lieu d’estimer. Estime. Valeur. Évaluer.
Elle aborde aussi notre (in)capacité à communiquer, à nous exprimer et à nous affirmer. On prend souvent les chemins les plus compliqués, les plus tortueux, et on se torture soi comme les autres.
Elle rappelle qu’il est littéralement vital d’être authentique, ni de jouer un rôle, ni de tout enfouir, ni de se faire croire qu’on est plus fort que ce qu’on est, ni qu’on doit être joyeux quand on est triste, ni d’appliquer des méthodes scolaires.
Qu’une âme sœur n’est pas une âme qui nous ressemble et nous arrange, mais une âme qui nous complète. Qui parfois nous contredit, mais juste assez pour nous élever ou nous équilibrer ; ni trop peu afin de ne pas nous conforter, ni trop, car cela finit par nous étouffer. L’adversité est inévitable. Mais il ne peut y avoir d’amour là où il y a bataille. Il ne peut non plus en avoir là où il y a servitude, déni et mensonge. Mensonge envers les autres autant qu’envers soi-même. Et c’est souvent envers soi-même que ça commence.
C’est donc plutôt habilement que cette série brosse un portrait des aspects précaires de l’économie affective et relationnelle de personnages qui appartiennent à différentes générations. En battant autant en brèche les conneries que chacune de ces deux générations représentées incarne et subit également dans la vraie vie.
Ce qui est savoureux, c’est que, ce qu’il y a d’agaçant et parfois de cringe, participe à l’intelligence de ce récit. Où la chronologie rythmée par les saisons, et les archétypes que ces personnages illustrent, rapprochent au final cette série de la forme du conte.
Je suis d’autant plus emballé que je ne m’attendais à rien de profond. Je me trouve chanceux d’avoir été si copieusement nourri.