C’était lors d’une soirée de juin, il y a de cela 20 ans, que je découvris LOST. Peu habitué aux séries, voire même assez étranger à tout cet univers, ma ion se portant plus sur le cinéma et le jeu vidéo, l’adolescent de 14 ans que j’étais fut pourtant intrigué par la bande-annonce qui ait sur TF1, annonçant le lancement d’une série où des agers ayant survécu à un crash d’avion tentent de survivre sur une île déserte.
Ce fut donc dans ma chambre, un samedi soir, que je découvris l’œuvre qui m’a le plus bouleversé, le plus ému, le plus frustré aussi. Parce que LOST n’est pas une série parfaite, elle n’est pas aussi maîtrisée que Breaking Bad par exemple, et c’est peut-être pour cela qu’elle touche aussi profondément certaines personnes.
Œuvre protéiforme qui touche à tous les genres (SF, fantastique, horreur, thriller, drame…) et à tous les thèmes (la foi et la raison, le libre arbitre, la morale, la vie, la mort…), force est de constater que sa richesse finit par perdre le spectateur ; mais moi, je m’y perdais avec délice.
Rien ne me fascinait plus que cette fumée noire, cette trappe dans la jungle, ou cet ours blanc sorti de nulle part : car regarder LOST, c’est croire à l’irrationnel, regarder LOST est un acte de foi. Il ne s’agit pas de se demander si tout cela est vraisemblable, il suffit juste d’y croire, et ce même acte de foi qui est demandé aux protagonistes de la série, le scénariste, Damon Lindelof, nous le demande à notre tour.
Jamais la narration d’une série ne se sera autant confondue avec l’histoire qu’elle raconte. Si dans d’autres œuvres, la narration est un moyen pour transmettre une histoire, dans LOST, narration et histoire sont identiques, l’une sert l’autre et inversement : cette dialectique presque unique en son genre, et qui fait la richesse de la série, va jusqu’à sa radicalité propre à partir de la saison 4 : l’introduction de la relativité de l’espace et du temps permet à la série de libérer le fil narratif d’un enchaînement causal platement déroulé : tout se renvoie, le é, le présent, le futur, ici, là-bas, l’au-delà…
LOST est un chef-d’œuvre de narration, un miracle de créativité, et brille aussi bien dans ses cliffhangers que dans ses petites allégories anodines racontées par Locke ou Eko, ou encore dans ses innombrables dialogues entre Jack et Locke sur la foi.
Cependant, et malgré cette ion qui m’obligea à regarder en boucle les saisons jusqu’au final, je fus, comme beaucoup, déçu par sa fin.
J’ai été déconcerté par la saison 6, l’énorme part accordée à la dimension religieuse, l’aspect mythologique m’a assez rebuté, à croire que je n’étais pas prêt encore pour ce final.
Car, l’ayant revu 15 ans après, je dois dire que ce final me convient bien mieux. Il se trouve qu’on vieillit, que notre rapport à la mort change, et, de ce fait, notre rapport à la foi aussi.
Ce n’est d’ailleurs peut-être pas anodin qu’une des œuvres littéraires qui m’ont le plus marqué, Crainte et Tremblement de Kierkegaard, soit mentionnée dans la saison 6. Jack, à l’image d’Abraham, est plongé dans l’angoisse puis finit par vivre sa foi dans le silence et l’attente.
Au final, c'est ce qu’il y a peut-être de plus beau dans la série : malgré toutes les raisons qu’on peut objecter à la foi, malgré le combat que mène Jack contre l’absurdité de ce qu’il vit, il finit par s’adonner à sa foi pour en mourir et, alors que dans une autre réalité, Jack s'agrippe à son siège pendant les turbulences d'un avion, pris d'angoisse, comme si son corps réagissait à la réminiscence d'un trauma, Rose le réconforte par ces mots "you can let go now".
Déclaration essentielle de la série, à la fois le "repose en paix" des morts et la résilience face à la souf ée, c'est en lâchant prise que Jack se réconcilie avec les autres, avec son père aussi mais surtout avec lui même.