Imaginez un tout jeune auteur de best-seller, Nic Pizzolatto, qui crée, produit et écrit sa première série. Imaginez qu'elle est interprétée par deux acteurs de renom dont l'un récemment Oscarisé (Matthew McConaughey et Woody Harrelson). Imaginez qu'elle est entièrement réalisée par Cary Joji Fukunaga (Sin Nombre, Jane Eyre). Imaginez une série policière qui suit à la lettre les codes du polar sans rien laisser au hasard mais qui arrive pourtant à demeurer inédite. Il faut dire qu'un programme signé HBO, c'est toujours un succès. La chaîne américaine connait les ingrédients nécessaires pour faire d'une série un monument de télévision et "True Detective" ne déroge pas à la règle...
Une intrigue complexe, des lignes temporelles diverses, des personnages charismatiques, du sexe, de la violence, de la drogue et des répliques badass pour un résultat explosif. Nous suivons ainsi l'enquête difficile de deux agents de la brigade criminelle, Martin Hart (Harrelson) et Rust Cohle (McConaughey) sur une affaire de meurtre apparemment satanique. Les deux gaillards sont très différents, ne se connaissent pas, ne s'aiment pas des masses et piétinent comme jamais. Le décor ? La Louisiane des années 90, un peu sale, très mystérieuse, pas très causante.
Un décor de rêve pour une enquête morbide quoi, une enquête littéralement hypnotisante. Marty est un costaud, un gars robuste qui est marié à une délicieuse femme (Michelle Monaghan) et est papa de deux petites filles. Il aime boire et tromper son épouse avec des bombes sexuelles à peine majeures. Mais c'est un bon flic. Cohle est assez maigre, il parle pas beaucoup sauf pour déblatérer des proses envolées sur la nature humaine dégueulasse et les méandres de ce monde qui ne tourne pas rond. Il est célibataire, mystérieux, au é trouble. Mais c'est un bon flic. Les deux acteurs qui les campent sont habités, tour à tour imposants, effrayants, pathétiques, humains.
L'intrigue, étalée sur seulement huit épisodes, nous entraîne peu à peu dans une affaire de plus en plus complexe, de plus en plus sombre, de plus en plus déroutante, d'autant plus que l'histoire située en 1995 alterne avec le présent où nos deux ex-flics désormais sont interviewés par la police sur les faits survenus presque vingt ans plus tôt. Déjà vu ? Oui. Bien foutu ? Oui. Car la force de ce récit en somme classique est de faire valdinguer les codes au bout d'un moment, de mélanger é et présent et autre é pour un résultat farouche mais limpide, encore plus ionnant.
La mise en scène est extraordinaire (nom de Dieu mais ce plan-séquence dans l'épisode 4 est juste impressionnant !), le scénario garnie de séquences jouissives et de dialogues aux petits oignons (dont certains amenés par Cohle qui vous feront grandement réfléchir), un casting de choc pur une interprétation irréprochable, le tout diffusé sur huit petits épisodes... On tient là la série de la décennie. Voire plus encore. En somme, "True Detective", c'est du cinéma, du vrai, un p***** de polar qui aurait pu être diffusé en salles si l'on autorisait les films de 7h30. Une œuvre originale, complète, surprenante, parfaite.