Construit au départ comme un thriller, Une Famille Atypique déploie un scénario en apparence classique : une belle jeune femme, Do Da-hae, se révèle très vite manipulatrice professionnelle. Mais rapidement, les enjeux se déplacent, glissent, se redéfinissent. Ce qui semblait être une simple histoire d’imposture devient peu à peu une chronique des liens humains, des blessures intimes et des rédemptions possibles.
Le drama parle d’amour, sous toutes ses formes : celui, balbutiant mais profond, entre Da-hae et Gwi-joo, celui qui unit Da-hae et I-na, celui d’un père pour sa fille, ou encore celui d’une amitié inattendue entre Dong-hee et Grâce. Il creuse le lien, le vrai, celui qui sauve ou consume.
Le scénario, bien que construit sur des bases familières, se distingue par sa maîtrise et son originalité. Il ose proposer une variation sur les figures du super-héros en les ancrant dans le réel. Une inspiration de Moving (2023) se fait sentir, mais ici, les pouvoirs ne sont ni spectaculaires ni glorieux : ils sont un poids, souvent inutile, parfois toxique. Les membres de la famille Bok sont des anti-héros anesthésiés par les maux contemporains – addictions aux écrans, alcoolisme, troubles alimentaires, replis sur soi. Le surnaturel devient ici prétexte à parler de nos failles les plus humaines.
Et c’est précisément l’arrivée de Do Da-hae qui bouscule cette inertie. Tout en entretenant un double-jeu, elle va forcer cette famille à sortir de son apathie, quitte à mettre son fragile équilibre en péril. À travers elle, le récit explore notre rapport à la société et à l’autre, avec une belle constance dans l’écriture, des rebondissements bien dosés, et un crescendo maîtrisé.
Chaque personnage est défini par ses blessures, mais sans misérabilisme. Ils ne sont pas des victimes, juste des êtres figés dans le é, incapables de vivre pleinement le présent. Ils s’enterrent tous vivants, et c’est précisément cette sensation d’enlisement que le drama traite avec finesse.
Bok Gwi-joo (interprété par un Jang Ki Yong tout en nuances), père veuf rongé par l’alcool, incarne à lui seul ce dilemme temporel : il peut revivre ses souvenirs, mais n’y faire que du surplace. C’est lorsque Da-hae entre dans ses souvenirs — en couleur, là où tout était en noir et blanc — qu’un frémissement s’opère. Une main tendue, une présence tangible : et tout vacille.
La mise en scène de ses pouvoirs est une petite pépite visuelle. Le jeu entre noir et blanc et couleur, l'impossibilité d’interagir dans le é qui se fissure… tout cela dit beaucoup, avec peu.
Le casting est l’une des grandes forces de la série. Jang Ki Yong impressionne par la richesse contenue de son jeu. Chun Woo-hee est d’une justesse saisissante en Da-hae : mystérieuse, mais jamais caricaturale. L’alchimie entre eux fonctionne à tous les niveaux, et s’étend aux autres membres du casting – que ce soit la famille Bok ou celle du sauna, improvisée mais profondément touchante. Une mention spéciale à Park So-Yi (I-na), bouleversante dans son interprétation.
L’OST participe pleinement à l’émotion : Walking with you de So Soo Bin, I See You de Lee So Ra ou Laputa de Yi Sung Yol résonnent longtemps après le visionnage.
Le gros reproche qui nuit à la réussite de cette série, repose sur les deux derniers épisodes dont l'écriture manque cruellement de cohérence et semble précipitée. Comme si la scénariste hésitait au moment de clore la boucle temporelle. Un épisode de plus aurait permis de poser cette fin avec davantage de logique.
Mais cela ne gâche en rien la qualité globale de ce drama. Touchant, original, sincère. Une vraie belle surprise.