Yellowstone
7.3
Yellowstone

Série Paramount Network (2018)

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L'Amérique de Trump

L'avantage des séries présentant des familles claniques, c'est de pouvoir décliner toutes les nuances de sentiments, petits et grands, avec quelques personnages, dont un central. Les Sopranos avaient déjà été un grand cru de ce type de série. Plus loin dans le temps, mais finalement assez proche aussi, il y a eu Dallas. Une famille dysfonctionnelle, menée de main de fer par un patriarche borné, dans un royaume condamné à disparaitre. Même si je présente durement les choses, ne pas s'y tromper, Yellowstone est une bonne série, aux personnages bien travaillés. Certains sont assez manichéens, mais d'autres bien plus complexes (Beth par exemple). Et à tout seigneur... Kevin Costner est parfait dans le rôle de John Dutton. Cow-boy héritier d'un ranch immense, à sa façon honnête et droit, mais qui applique sa propre morale et sa propre vision de la justice. Et tout ce qui ne porte pas de stetson n'a visiblement pas le droit de respirer sur ses terres. Le système qu'il a mis en place pour protéger ses intérêts n'est ni plus ni moins que féodal. Obtenir le pouvoir pour protéger ses propres intérêts, avoir une sorte de garde prétorienne qu'il fait marquer comme le bétail, positionner ses enfants comme des pions sur une table de jeu. Sous les abords sympathiques d'un acteur très aimé du public, se cache en fait un homme froid, austère et sociopathe. La réussite de la série repose directement sur ce casting bien pensé.


D'ailleurs il ne faut pas si tromper, il faut se garder d'avoir de l'empathie pour cet univers les quelques fois où il le mérite, car par delà la beauté des paysages du Montana, et surtout de l'Utah, là où ont eu lieu la plupart des tournages, par delà le souffle épique que l'on peut ressentir, par delà la jouissance coupable de voir une justice expéditive envoyer les méchants dans l'autre monde ; Yellowstone nous présente un "univers impitoyable" où seule la loi du plus fort l'emporte. John Dutton replacé correctement dans cet univers et donc en son centre, est un vulgaire chef de gang, père castrateur, et meurtrier opportuniste.


Le reste de sa famille ne vaut pas mieux. Jamie, enfant castré et mal aimé, manipulé comme une serpillère qui n'a aucune estime de lui-même. Beth, alcoolique et borderline qui voue une haine sans fond à Jamie (on comprendra pourquoi dans la saison 3), parcourue parfois d'éclairs de génie, mais à la personnalité extrêmement toxique. Kayce qui a fuit un moment cette famille pour se battre dans les Navy Seals, mais qui signe sa perte en revenant au près de ce père avec qui il a des rapports amour/haine. Rip, sorte d'enfant adoptif (du coup bonjour le rapport à l'inceste...), homme de main prêt à tout et rongé en permanence par une violence sans fond...


D'autres personnages peuplent la série, mais un seul est véritablement récurrent, c'est Thomas Rainwater, chef de la réserve indienne, utopiste au dernier degré dont le but ultime est de pouvoir acheter tous les ranchs, les bruler, et retrouver ainsi la vallée originale de son peuple. Si le personnage semble un peu caricatural au début, il est finalement très intéressant, car c'est le seul inspiré de louables intentions et qui n'utilise pas systématiquement la force. Il ne se savait pas Indien et se croyait Mexicain, ayant été adopté très jeune. Il est le seul dans cet univers, avec Jamie, à avoir fréquenté l'université. Car il faut bien préciser aussi que nous sommes dans l'Amérique profonde, celle de la conquête (Rip y fera une référence en évoquant la frontière), celle qui sent la poudre et qui n'hésite pas à enrouler une corde autour du coup de ceux qu'elle n'aime pas. L'univers des cow-boys y est dépeint dans la beauté, mais aussi dans sa frustration et sa condition ultra modeste. Ces hommes qui chevauchent toute la journée et picolent (pour oublier ?) le vendredi soir, se croient libres, principalement les journaliers, sans voir que leur condition sociale repose uniquement sur la "bonté" de leur employeur.


Univers violent, Yellowstone est aussi une série ponctuée de beaux moments, d'un humour qui permet de reprendre sa respiration (l'inénarrable Jimmy), mais a aussi l'intérêt de nous montrer de qui l'Amérique "trumpienne" est faite. Mélange de prédateurs millionnaires et de cow-boys miséreux aux idées courtes faute d'éducation avec pour seul exutoire les rodéos. Un univers masculin où chacun mord la main de celui qui tente d'en prendre un bout, et pour qui la violence est la réponse la plus appropriée à toutes les situations. Un monde qui influe sur le notre aujourd'hui, qui ne pourra pas tenir dans le temps, mais qui fera des dégâts avant de disparaitre. Une résurgence du é européen avec ses royaumes et ses vassaux, comme si une part de l'Amérique n'en été encore qu'à l'ère de la féodalité. Et c'est celle-là qui vient de prendre le pouvoir. Même si la technologie est leur nouvelle frontière, cela n'en reste pas moins des êtres frustres et rognés par l'avarice. A l'image d'un Elon Musk ou d'un Donald Trump. Regarder Yellowstone aujourd'hui, au-delà de la narration d'une bonne série, c'est aussi avoir un aperçu de ceux qu'il va falloir combattre pour conserver une humanité équilibrée.... Disponible sur Netflix.

7
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le 7 mars 2025

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Kerven

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